jeudi 17 septembre 2015

La triste maison vide d'Anne Frank à Amsterdam

J’écris ces quelques lignes dans l’avion, bien confortablement installée dans mon siège première rangée – celui où on a un tas d’espace pour les jambes. Seul bémol (mais tout un!), l’inconnu à mes côtés prend non seulement tout l’espace sur l’accoudoir, mais en plus, résultat de ses deux bouteilles de vin avalées à la vitesse de l’éclair, il sent la robine. Et il respire la bouche ouverte. Je meurs.

Je me devais de partager ça avec quelqu’un!

Mon séjour en Europe est déjà terminé, mais il me reste un tas de trucs à vous raconter. J’ai manqué de temps pour écrire là-bas!

Lors de ma dernière journée complète à Amsterdam, j’ai vraiment fait deux choses on ne peut plus à l’opposé l’une de l’autre : la visite de la maison d’Anne Frank et celle du Red Light District, qui inclut le musée de la prostitution.

Je vais d’abord vous raconter la visite de la maison. Le reste sera pour plus tard. Je refuse de les mettre les deux dans le même billet, vous comprendrez pourquoi!
Comme pas mal de monde, j’ai été obligée de lire le Journal d’Anne Frank au secondaire. Mais c’était en anglais et à l’époque, j’étais relativement pourrie. C’est-à-dire juste assez bonne – surtout en grammaire – pour être classée «enrichie», mais vraiment pas assez pour y avoir vraiment ma place. Il faut dire que je viens de l’Outaouais et que dans la classe des «enrichis», il y en avait la moitié qui parlait l’anglais avec au moins un de leurs deux parents. Donc disons qu’ils partaient avec une très longue avance. Tout ça pour dire que les lectures obligatoires, c’était vraiment un fardeau. Je détestais ça. Je les lisais plus pour passer à travers que pour l’histoire comme telle. Le Journal d’Anne Frank est malheureusement entré dans cette catégorie. Je n’ai donc à peu près aucun souvenir de ma lecture. Je ne me souviens que des rations et des passages que je trouvais ennuyants. Mais aujourd’hui, avec un peu plus de «vécu», j’ai le goût d’en apprendre plus sur la Deuxième Guerre mondiale. Après avoir visité la Pologne et surtout le camp de concentration d’Auschwitz-Birkeneau (dont je vous ai parlé ici), tout ça m’intéresse beaucoup. Et il faut dire que Berlin était aussi au programme dans ce voyage, ce qui n’a fait que raviver ma curiosité.

Quand j’ai réalisé que c’était à Amsterdam que s’était cachée la famille Frank, je n’ai pas hésité. Je devais aller visiter cette maison.

Elle est située au bord du canal dans un magnifique quartier, alors il est difficile d’imaginer que des gens y ont été enfermés pendant deux ans, sans que personne ne le sache. Soit jusqu’à ce que quelqu’un les trahisse et qu’ils se fassent déporter dans des camps de concentration.
Je n’ai habituellement pas beaucoup de patience pour lire tous les écriteaux dans les musées, mais cette fois, j’ai lu chaque mot, regardé chacune des vidéos attentivement.

Sur les murs, il y a des passages du journal, mais dans les pièces, aucun meuble. C’est le paternel, Otto Frank, qui l’a voulu ainsi. Il est le seul de la famille à avoir survécu et c’est lui qui a fait publier le journal de sa fille.

On peut d’ailleurs voir une vidéo dans laquelle il explique qu’en le lisant la première fois, il a réalisé que même s’il avait été très proche de sa fille, il ne la connaissait pas vraiment. Le sérieux, la maturité de ses écrits l’avaient vraiment surpris.

Anne rêvait d’être publiée. Et de devenir best-seller. Elle voulait écrire un roman sur sa vie de clandestinité, qu’elle aurait appelé «L’annexe secrète». C’est après avoir entendu à la radio le gouvernement inciter les gens à conserver tous leurs écrits et documents pour une éventuelle publication après la guerre qu’elle a commencé à l’écrire. Elle a d’ailleurs tout réécrit son journal dans la même optique. Mais elle est malheureusement morte un mois avant la fin de la guerre et ne saura jamais que son rêve a été réalisé.

Dans la maison, c’est fou à quel point il fait noir. Les fenêtres sont cachées par d’épais rideaux noirs qui ne laissaient entrer aucune lumière. Il leur était interdit de les ouvrir, ne serait-ce que d’un petit centimètre, au risque de se faire voir. Comme ils étaient dans une annexe secrète du bâtiment où se trouvait la compagnie de confitures son père, ils devaient tous être très silencieux durant le jour. Un bruit de bas aurait pu éveiller des soupçons.

Pour se rendre à leur annexe – étonnamment très grande pour une partie cachée d’une maison – il fallait passer par une entrée secrète, cachée à l’arrière d’une grande bibliothèque qui y est toujours. Avec les mêmes gros livres en cuir qu’il y a plus de 70 ans. C’est comme dans les films. Sauf que cette fois, c’est la réalité et elle est horrible. 
Les escaliers sont si inclinés que je me suis cogné le genou (j’ai un bleu!) sur les marches en les montant. Aussi bien dire que c’est une échelle. Heureusement, on ne les redescend pas. Ils sont beaucoup trop dangereux!

Tout en haut, au grenier, il y a un puits de lumière, où Anne, sa sœur et le fils de l’autre famille qui était avec eux allaient durant le jour pour voir dehors. De là, on voyait bien le clocher de l’église. Elle en parle d’ailleurs dans son journal. Ça faisait drôle de voir tout ça.

Après un certain temps, Anne a dû partager sa chambre avec un homme, le dentiste de l’employée de la compagnie qui avait aidé la famille à se cacher. Lui aussi était en danger. Mais il semblerait qu’Anne et lui ne s’aimaient pas trop et qu’elle en ait dépeint un personnage ignoble dans son journal. Tellement, qu’on y présente une vidéo de son fils qui tient à parler en bien de son père pour rectifier la situation.

Parmi les vidéos, il y a aussi le témoignage d’une amie d’enfance d’Anne, qui l’a retrouvée dans un camp de concentration des années après la «disparition» de la jeune fille. Les deux étaient séparées par une clôture et ne pouvaient se voir qu’en cachette. Elles n’ont réussi qu’à le faire trois fois si j’ai bien compris. La première fois, Anne lui a dit qu’elle n’avait plus rien dans la vie. Elle savait que sa mère et sa sœur étaient mortes et elle croyait – à tort – que son père avait subi le même sort. La dame raconte, les larmes aux yeux, que si Anne avait su que son père était toujours en vie, elle aurait peut-être eu quelque chose à quoi s’accrocher et aurait peut-être survécu un mois de plus, soit jusqu’à la libération des prisonniers.

Lors de leur deuxième rencontre, la dame, alors adolescente, avait préparé un paquet pour Anne. Pour une raison qui m’a échappé, elle était dans une autre section du camp et n’était pas autant maltraitée. Elle l’a lancé par-dessus la clôture, mais n’a entendu que des pleurs et des cris de l’autre côté. C’est qu’une dame avait attrapé le paquet et s’était enfuie avec. Les pleurs et les cris étaient ceux d’Anne. Elle lui a alors promis qu’elle en renverrait un nouveau. Cette fois, le manège a fonctionné. Mais c’est la dernière fois que les deux amies se sont vues.

Le témoignage a dû être filmé une quarantaine ou cinquantaine d’années après les événements, mais on sentait que la douleur était toujours vive. J’avais envie de courir moi aussi et lancer un paquet à la petite Anne de l’autre côté de la clôture…

La visite se termine dans une salle où l’on a exposé les écrits de l’adolescente. Dont le journal original.
C’est indescriptible ce que l’on ressent en voyant tout ça. Un peu difficile d’imaginer que tout ce qui est écrit là-dedans s’est bel et bien produit et que l’auteure est morte avant même d’avoir 16 ans.

Comme dans toute visite touristique, on doit passer par la boutique avant la sortie. Mais cette fois, j’avais hâte d’y arriver. Parce que j’avais hâte de me racheter une copie du livre – en français! – pour le lire à nouveau. Le relire avec mon expérience de vie, mes passages à Auschwitz, à Berlin et dans cette maison d’Amsterdam, mes connaissances et (je l’espère!) ma maturité.

Je me suis également procuré le livre «La vie d’Anne Frank», une histoire romancée de sa vie, jusqu’à sa mort.

J’ai rarement eu aussi hâte de relire un livre obligatoire du secondaire!

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