mardi 27 juillet 2021

Après la carcasse d'avion en Islande... le scénario se répète à St-Donat

Faire de la randonnée, c’est relativement récent pour moi. J’en ai fait pas mal lors de mon long voyage avec Charlot – mon chihuahua, pour ceux qui ne suivraient pas mes péripéties depuis son adoption! – et depuis, j’essaie d’en faire des belles et originales. Alors quand mes amies et ex-collègues en aviation (qui n’étaient pas des ex au moment de la randonnée, soit dit en passant!) m’ont parlé de la Montagne noire, au sommet de laquelle on retrouve l'épave d’un avion, j’ai tout de suite voulu la faire!

Bon, c'est sûr que les fantômes de ma mésaventure en Islande pour une autre foutue carcasse d'avion où j'ai failli laisser mes hanches ont plané, mais... j'ai la mémoire courte.

Revenons à St-Donat. Le plan initial, c’était une douzaine de kilomètres. Évidemment, on s’est perdues quelques fois et ç’a fini en plus de 17 km et presque une marchette nécessaire pour le dernier droit!

Voici donc l’histoire peu connue d’un écrasement d’avion à St-Donat, survenu il y a quelques décennies.

À noter que si on s’est perdues, ce n’est pas qu’on n’a pas le sens de l’orientation ou pas de talent pour lire les pancartes, c’est vraiment que ce n’est pas super bien indiqué et que le sentier pourrait investir dans quelques affiches annonçant la carcasse, si vous voulez mon avis.

Cette triste histoire a commencé le 19 octobre 1943 à Gander, Terre-Neuve. Si cette ville vous dit quelque chose, c’est peut-être parce qu’elle a été le port d’entrée et l’arrêt obligatoire de tous les vols possibles en provenance de l’autre côté de l’Atlantique lors des attaques du 11 septembre 2001.

Ce jour-là en 1943, en pleine Deuxième Guerre mondiale, le temps était si maussade que tous les avions ont été cloués au sol. Toutefois, à 22h16, l’appareil Consolidated Liberator B-24D (surnommé Harry) obtient le feu vert pour s’envoler. Le vol en est un de routine qui se rend à Mont-Joli, l’aéroport de l’Aviation royale canadienne. L’avion transportait quatre membres d’équipage et 20 militaires qui profitaient d’une permission. Le vol s’est déroulé normalement et après trois heures et demie, l’avion arrive près de sa destination. À 1h45 le matin du 20 octobre, le pilote contacte la tour de contrôle de l'aéroport de Mont-Joli afin d'entreprendre les procédures d'atterrissage. Le contrôleur aérien lui dit alors « You can't land here » puisque l’aéroport est fermé en raison des mauvaises conditions météorologiques. Il demande donc au pilote de se diriger vers Dorval ou Rockcliffe, en Ontario. C’est ce que le commandant fera. Toutefois, à part le fameux appel de détresse – j’imagine que ç’a été un « Mayday, Mayday », que seul un appareil survolant Grand-Mère a entendu, il n’y a eu aucun autre contact radio avec le Liberator.

C’est parce que les deux aéroports de dégagements ont noté l’absence du Liberator sur leur territoire que des recherches ont été lancées pour retrouver l’avion. On soupçonnait fortement un écrasement et comme les passagers étaient des militaires, on a procédé à des recherches aériennes intenses. En tout, ces recherches ont nécessité plus de 700 sorties, 2438 heures de jour et de nuit entre le 20 octobre et le 26 novembre 1943. Toutes ces recherches ont été vaines et le mystère de la disparition de cet avion a duré… Deux ans et demi!

Le soir de la disparition, soit le 20 octobre, des villageois de St-Donat ont mentionné avoir entendu les moteurs d’un gros avion qui passait à basse altitude. Mais sans plus. Des résidents se sont rendus le lendemain en bateau sur le lac Archambault dans l’espoir de trouver une trace quelconque de cet avion. Mais ils n’ont rien trouvé et même les autorités militaires ont balayé du revers de la main les informations voulant qu’un avion se soit écrasé dans les environs.

Ce n’est que le 20 juin 1946 que les débris ont été retrouvés. En fait, ils l’ont été par erreur alors qu’il y avait un vol de recherche pour trouver un autre avion porté disparu dans la région. L’équipage de recherche – dans un avion militaire – a repéré un reflet de lumière dans la forêt et après plusieurs passages pour survoler l’endroit, l’équipage a vu des stabilisateurs (la queue de l’avion, en double sur cet appareil, donc plus facilement identifiable). Plus tard, des militaires ont fait l’expédition et contrairement à nous, ils n’avaient pas de sentiers balisés – alors si nous on s’est perdues avec des pancartes… Pauvres eux. Leur seule indication, c’était l’avion qui les survolait qui piquait du nez vers les décombres pour les enligner. J’ai mal aux jambes juste à imaginer qu’on ait eu ça comme indications! Avec les militaires, il y avait deux résidents de St-Donat et un trappeur.

Seul point positif de toute l’histoire, cette découverte a permis de déterminer que toutes les victimes sont mortes sur le coup puisque l’avion a pris feu tout de suite après l’impact. Il n’y a que trois corps qui ont pu être identifiés, sur 24.

La scène a dû être épouvantable. Les débris s’étendaient sur 200 pieds dans la forêt.

D’ailleurs, après la découverte de la carcasse de l’avion, des randonneurs se sont aventurés pour aller la voir et aussi pour repartir avec un morceau de l’avion en souvenir… Ouin. Mettons qu’on n’a pas tous les mêmes passe-temps.

Cet écrasement d’avion est dans notre cour et pourtant, même moi, une passionnée d’aviation n’en avait jamais entendu parler. C’est fou quand même!

Un demi-siècle après l’accident, alors que le lieu devenait de plus en plus prisé par les amateurs de nature (les gens qui font des 17 km comme nous, mais volontairement!), les citoyens du village se sont réunis et ont décidé d’en faire un genre de sanctuaire, avec des croix blanches pour chaque victime :


 

Même les Snowbirds étaient de la partie alors que ces mythiques avions ont survolé le site de l’écrasement (en 1996).

Alors, si vous réussissez à atteindre le sommet (et vous faire dévorer par les moustiques, soyez-en avertis), qu’allez-vous voir?

Il reste pas mal de débris, dont quelques-uns facilement identifiables comme le train d’atterrissage. Je ne sais pas pour vous, mais moi, de voir ça, ç’a réveillé en moi un grand sentiment de tristesse


     

Ce n’est pas la pire catastrophe aérienne en sol canadien, mais c’est la pire impliquant les Forces armées canadiennes.

Le Liberator en bref :

- Il avait été acheté en septembre (les sources ne s’entendent pas sur l’année, c’est soit en 1942 ou en 1943, donc si c’est cette dernière, ce serait le mois avant le drame) de la United States Army Force.

- Quatre appareils avaient été achetés et leur but principal était de faire couler des sous-marins. Chaque appareil avait 11 mitraillettes à bord.

D’ailleurs, on peut encore voir l’étoile américaine sur l’aile.

      Quant à la cause de l’accident, même si elle n’a jamais été clarifiée, il semblerait que la mauvaise météo et surtout des mauvaises cartes aient mené à la perte du Liberator. La montagne apparaissait plus basse sur les cartes que dans la réalité et l’histoire veut que le pilote s’en soit rendu compte trop tard et qu’il n’ait pu rectifier le tir, s’écrasant contre la montagne.

Si vous voulez y aller, je vous le conseille, c’est vraiment intéressant. MAIS. Sachez cela :

-        - Apportez du chasse-moustique;

-        - Apportez un lunch;

-        - Apportez une deuxième paire de jambes, si possible.

Bon, le dernier point est douteux, mais sachez qu’une de mes amies a pensé refaire sa vie entre deux épinettes et que moi, j’ai mis plus de temps à descendre le dernier kilomètre – au grand dam de mon chihuahua qui lui, était top shape! – que j'ai mis à parcourir les 16 premiers km de la randonnée.

Mais je dois quand même admettre que la vue au sommet (dans le temps qu'on avait encore des jambes qui ne suppliaient pas pour l'amputation) était belle :

 

Et pour terminer, j'aimerais souligner le sang froid de Charlot face à ce suisse. Parce que vous devez savoir que ce chien est parfait et obéissant... jusqu'à ce qu'il voie un écureuil ou un petit suisse.