vendredi 30 juin 2017

Symphonie de soupirs russes

J’ai décidé, un peu aléatoirement, d’aller en Russie cet été. Ça faisait longtemps que je voulais y aller et honnêtement, mes plans A (Indonésie) et B (Birmanie) n’ont pas fonctionné pour diverses raisons. Alors je me suis dit «Je veux aller voir la cathédrale que je dessinais souvent dans mes cahiers à colorier quand j’étais enfant».
Et j’ai acheté mon billet d'avion pour la Russie. Avec un retour de Stockholm, en Suède. Je vous ferai part de mon itinéraire un peu plus tard. Je savais que ça prenait un visa pour aller en Russie, mais je ne savais pas trop quels documents on devait remplir. Alors un peu naïvement, j’ai pris rendez-vous là où on nous dit de le faire quand on cherche «visa Russie Montréal» sur Google. Je me suis dit qu’une fois sur place, je pourrais poser mes questions. J’avais regardé sur le site du gouvernement du Canada et ça ne disait que «Visa», sans autres précisions.

Première erreur.

D’abord, c’est un endroit où rien n’est indiqué. Aucune annonce, logo ou signe de vie de cette entreprise – sûrement un sous-traitant – dans le hall d’entrée ou en sortant de l’ascenseur. C’est dans un petit bureau caché au fond d’un corridor au septième étage d’un édifice de la rue Sherbrooke. Ce n’est qu’en ouvrant la porte et en voyant un drapeau russe que j’ai compris que j’étais au bon endroit.

Je me présente devant la dame, installée à son bureau, avec une vitre qui nous sépare, un peu comme dans les billetteries.

Avec son petit accent russe et beaucoup de condescendance, elle me dit :

- Où sont vos documents?
- En fait, c’est ça, je n’ai pas vraiment trouvé les infos – je n’ai pas eu trop le temps de me préparer, alors je me disais que je viendrais vous poser les questions.

Premier soupir de l’autre côté de la vitre.

- Ce n’est pas comme ça que ça fonctionne.
- Euh, désolée, j’ai besoin de quoi?
- Tu n’es pas allée sur notre site? *soupir*
- Oui, mais honnêtement, ce n’était pas clair.

Et là, elle me dit tout ce que je dois remplir. Mais moi, un peu pressée et faisant trop confiance à ma mémoire, je ne prends pas de note.

Après avoir enduré de l’attitude et des soupirs, je repars. Je vais sur le site, où on me demande un mot de passe. C’est un peu bizarre comme je n’ai pas de compte et je n’arrive pas à entrer. Peu importe ce que j’écris, ça me renvoie à la page où on me demande un mot de passe. Je perds patience.

Je me souviens qu’elle m’a expliqué que ça prenait une invitation. C’est qu’on ne peut pas décider comme ça d’aller en Russie. On doit y être invité. Il faut donc réserver l’hôtel et lui téléphoner pour qu’on vous envoie l’invitation. Réserver tout de suite ces nuitées n’est pas prévu à mon budget à ce moment, mais je n’ai pas vraiment le choix. Donc je réserve et heureusement, cette partie se fera rapidement. J’envie un courriel à l’hôtel et après seulement quelques minutes, on m’envoie le lien. Quelque 25$ plus tard, j’ai mon document avec le sceau officiel. Je fais ensuite prendre ma photo (12$) et reprends rendez-vous.

Deuxième présence devant la même dame. Elle me reconnaît, ça paraît dans son petit sourire arrogant.

- Où est ton document rempli?
- Ça?
- Non. *soupir* Ça, c’est ton invitation. Le document à remplir.
- Je ne l’ai pas. Je peux le faire ici, rapidement?

Méga soupir.

- Haha, tu peux, mais c’est 30$. Et c’est long. Tu as visité notre site?
- Oui, mais je n’ai pas vu.

Méga, méga soupir, lâché en tournant son écran d’ordi vers moi.

- Sur la page d’accueil. C’est écrit formulaire à remplir (elle a beaucoup trop insisté sur ces mots). Tu cliques dessus, entres un mot de passe…
- Ah, ça. Ça n’a pas marché.
- C’est impossible.
- Ben là, j’ai essayé, ça me ramenait toujours à la première page.
- *soupir* C’est impossible. Ça marche toujours.
- Madame, c’est peut-être mon ordi, mais je vous jure que ça ne marchait pas.

Elle m’a ri en pleine face.

Je reprend mes trucs et repars. À la maison, je peux enfin entrer sur le site et commencer à remplir cet interminable questionnaire. Ça me prends une heure. Employeur, ancien employeur, noms, adresses, numéro de téléphone, études, adresse de l’université, adresses des 10 dernières années, questions sur la santé, la liste de tous les pays visités, avec les dates au cours des… 10 dernières années. Dans mon cas, c’est long. J’ai dû fouiller dans mon passeport et dans mes dossiers photos de voyage pour ne pas en oublier. Tout d’un coup qu’ils me refuseraient parce que j’ai oublié de dire que je suis allée passer deux heures et demie au Paraguay en 2013

Je l’imprime, dans le format demandé, très important. Et j’y retourne, une troisième fois. Ce n’est pas la même fille, mais je crois qu’elle a suivi le même cours de Soupirs 101.

- C’est la troisième fois que tu viens et chaque fois, il te manquait quelque chose?

Elle a ri. Je n’aurais pas dû lui dire. Elle lit mes réponses et me dit :

- Tu n’as pas écrit la bonne réponse ici. Ça demande «Allez-vous visiter un organisme?» et tu as dit non.
- Ouais, bah je n’ai pas l’intention d’aller visiter un quelconque organisme.
- L’organisme, c’est ton hôtel.
- Tu ne niaises là? C’était vraiment pas clair. Est-ce que tu peux le changer et le réimprimer?
- Oui. Mais c’est 30$.

Quoi!? J’avais vu les affiches partout disant que c’était 30$ pour une modification de formulaire, mais je pensais, encore naïvement, que c’était une fois qu’il était envoyé et pour une raison plus importante que ça! Ça ne me tente pas de perdre mon temps à retourner imprimer ça au bureau et perdre une autre heure de lunch à me rendre là, alors je fais un calcul rapide : 176$ pour le visa (j’étais à quelques jours de devoir payer l’express à 306$...) + 30$ pour une foutue impression = 206$. J’ai 210$ sur moi – parce qu’évidemment, ils ne prennent que l’argent comptant. Alors je lui fait changer et réimprimer.

- As-tu la photocopie de ton passeport?
- Non, j’ai oublié Mais à 30$ de frais pour le document, j’espère que vous allez le photocopier vous-même.

Elle l'a fait. Non sans grand soupir.

Alors voilà, c’est la marche à suivre pour avoir le droit de mettre les pieds au pays de Poutine. Un mois plus tard, j’avais mon visa. Mais en allant le chercher, j’ai eu quelques sueurs froides en lisant la note :
Dommage, les employées devront se trouver un autre endroit où elles pourront être payées à soupirer.

vendredi 2 juin 2017

Se débarrasser d'un talisman... vite, vite!

Il y a un an, j’étais au Japon. Mon amie et moi avions acheté un petit porte-bonheur, un genre de talisman qui devait nous aider à trouver l’amour. Ben oui, on est quétaines de même. Mais c’était ça ou la fertilité, alors…

Bref, on les a trimbalés dans nos portefeuilles depuis notre retour. Ç’a marché pour elle, ç’a été désastreux dans mon cas. Mais bon, là n’est pas la raison de ce texte. On voulait prendre une photo des «instructions» en japonais qui venaient avec notre porte-bonheur pour l’envoyer à une amie rencontrée là-bas qui parlait également français. Mais on a oublié et le petit papier s’est retrouvé dans le triangle des Bermudes de mon condo, probablement avec la moitié de mes bas blancs.

La seule chose qu’on pensait avoir compris, c’est qu’on devait les conserver un an, pas plus. Sinon, ça devenait un «porte-malheur». Ce n’est pas qu’on est superstitieuses, mais… Mettons qu’on ne veut pas frustrer la vie, le karma. Aussi bien mettre toutes les chances de notre côté. Alors, que faire avec ces petits bouts de tissu?
 
Trois-cent-soixante-quatre jours après l’achat – on a confirmé avec nos souvenirs Facebook –, la panique s’est emparée de nous. Alors on a passé notre heure de lunch chercher sur différents blogues la «règle à suivre» pour s’en débarrasser. Il fallait faire les choses de la bonne manière! Pas évident quand on ne savait même pas comment appeler ce truc! On a réussi à trouver des sites qui disaient qu’il ne fallait surtout pas le jeter aux poubelles. Le meilleur conseil, c’était de retourner là où on l’avait acheté pour le brûler. Ben oui, toi. On va retourner au Japon juste pour ça… Sinon en gros, il fallait renvoyer le talisman là d’où il venait.

C’est là qu’est venue mon idée de génie (il faut savoir que ça m’arrive d’être un peu cinglée parfois!) : les poster!
Ouais. Mais où? Bonne chance les filles! On ne se souvenait pas du nom du temple où on les avait achetés. Et on s’entend que ce n’est pas comme s’il n’y avait que deux ou trois temples au Japon… On savait que c’était à Kyoto. À partir de là, on s’est fiées à nos photos dans nos iPhone. Merci, géolocalisation d’exister! On a essayé de chercher à partir des mots qui apparaissaient comme «lieu» sur nos photos, mais ça ne nous menait pas au temple qu’on avait visité. Alors on a essayé une autre technique. On se rappelait qu’on avait simplement marché tout droit à partir de notre hôtel et que c’était au bout de la rue. Alors, petite recherche dans mes vieux courriels pour retrouver le nom de l’hôtel, autre recherche sur Google Maps, et hop! Bingo! On avait notre temple. Bon, encore une fois, pas trop certaines que c’était le bon, mais on a décidé que c’était ça.

Trouver son adresse maintenant… Ce n’était pas super clair, mais on croit avoir trouvé.

Alors on a mis nos porte-bonheur dans une enveloppe, on l’a adressée et je suis allée, en mission, au bureau de poste.

«Vous ne voulez pas mettre d’adresse de retour?» m’a demandé la commis.

«Non, surtout pas!»

Alors on ne saura jamais si ça s’est rendu. On ne saura pas non plus si quelqu’un à l’autre bout du monde a reçu notre «lettre». Mais dans nos têtes, on a évité d’être victimes d’un mauvais sort!