vendredi 22 janvier 2021

La merveille canadienne qui n’a jamais vraiment vu le jour

Vous devez sûrement commencer à savoir que je suis une passionnée d’aviation. La visite du Hangar Flight Museum allait donc de soi à Calgary. Ce musée n’est pas très grand, mais il m’a permis d’en apprendre plus sur l’Avro, cet avion révolutionnaire fabriqué au Canada qui n’aura finalement jamais eu la vie qui lui était destinée.

Mon père m’en avait déjà parlé, alors quand mon guide a mentionné le nom de l’avion et a commencé à raconter son histoire, j’étais vraiment très intéressée. À mon tour donc de vous la raconter.

Le CF-105, mieux connu sous le nom d’Avro Arrow, était un avion supersonique très en avance sur son temps. Il a été développé entre 1954 et 1959 pour l’Aviation royale canadienne. On prédisait qu’il serait l’avion de chasse le plus rapide et le plus moderne de son temps.

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, la compagnie Avro et une des firmes de manufacture aéronautique se sont mis sur le projet Avro Arrow. La compagnie a donc produit le bombardier iconique Avro Lancaster. Puis après la guerre, Avro a construit un aéronef civil et a remporté le contrat pour bâtir l’Avro Arrow.

Entre 1957 et 1959, ils ont construit six prototypes et Avro devait en fabriquer 200 autres pour l’Aviation royale canadienne. Les avions avaient un moteur spécifiquement conçu pour eux.

Jamais dans l’histoire de l’aviation un avion a été dessiné et construit en si peu de temps. Tout était fait en 28 mois. Il est sorti de l’usine le 4 octobre 1957. Pour la petite histoire, c’est la même journée que le lancement du satellite Spoutnik par l’U.R.S.S. Il a donc un peu passé dans le beurre. À son premier vol, le 25 mars 1958, il a atteint une altitude de 11 000 pieds et une vitesse de 463 km/h.

Le 11 novembre de la même année, l’Arrow a volé à une altitude de 50 000 pieds et une vitesse de… 2346 km/h! C’est 1,9x la vitesse du son! Le pilote était un immigrant polonais, Janusz Zurakowski, qui avait déjà été le premier pilote aux commandes d’un aéronef canadien volant plus vite que la vitesse du son, à son arrivée au pays en 1952.

Malheureusement, la belle et prometteuse histoire de cet avion révolutionnaire n’a pas duré. Le 20 février 1959, la Chambre des communes a voté pour l’annulation des projets Avro Arrow et des moteurs Iroquois qui y étaient associés. Ainsi, les 14 000 employés d’Avro ont été mis à pied. Plusieurs ont été repêchés par la NASA pour travailler sur le programme spatial Apollo et sur des satellites, mais pour ce qui est du Arrow, on a donné l’ordre de détruire toutes ses traces. On a surnommé cette journée dans le monde de l'aviation canadienne le «Black Friday» - rien à voir avec les journées folles dans les boutiques au mois de novembre... 

Pourquoi un tel revirement de situation? La véritable raison n’a jamais été confirmée. Selon plusieurs historiens, c’est dû à une combinaison de facteurs. Parmi eux, il y a la politique, le besoin qu’avait le Canada d’augmenter sa défense avec l’usage de missiles (en partenariat avec les États-Unis en pleine Guerre Froide avec l'U.R.S.S.) et non d'avions d'interception et les dépenses du projet en tant que tel. On estime que chaque avion aurait coûté 12,5 millions $. Pour l’époque, c’est quand même beaucoup.

Bien évidemment, cette annonce a créé une onde de choc à travers la nation. Plusieurs savaient que cette invention aurait pu devenir un joyau, un emblème du pays. L’homme à la tête d’Avro, Crawford Gordon (la résidente de Verdun en moi trouve ça bien drôle parce que ce sont deux noms de rues très près l’une de l’autre dans mon quartier!) est entré en trombe dans le bureau du premier ministre du Canada, John Diefenbaker, dans l’espoir de sauver ce projet ambitieux. Les syndicats s’en sont mêlés. D’ailleurs, Dennis McDermott, du syndicat des travailleurs de l’automobile, avait prévu la suite des choses : « Nous allons perdre la crème de nos techniciens en aéronautique talentueux aux mains des États-Unis. L’histoire prouvera que ce sera une des erreurs les plus colossales faites par un premier ministre dans l’histoire du Canada. »

Leurs efforts ont été vains, la décision avait déjà été votée.

De nombreuses controverses ont émergé de cette annulation et son histoire. L’aventure de l’Avro aura donc été de très courte durée, mais elle aura eu le temps d’en faire une icône de l’aviation canadienne.

Il existe aujourd’hui une réplique au musée de Toronto et je compte bien aller la voir un de ces jours!

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