« La négociation, c’est ce qui fait notre charme », nous ont répété les Marocains. Euh… Non. Le marchandage, les négociations, c’est de la merde. On n’aime pas ça. Mais au Maroc, t’as pas le choix. Non seulement tu vas payer vraiment trop cher si tu acceptes le premier prix, mais en plus, c’est mal vu de ne pas négocier!
De plus, les prix sont rarement indiqués. On a négocié les taxis, la randonnée de touk-touk, des boucles d’oreille, un pouf en cuir (que je ne vais pas rembourrer et utiliser comme lit pour mon chien!), une couverture, tous les souvenirs qu’on a rapportés, nos deux tatouages henné, les babouches, alouette! C’est épuisant!
Ils utilisent soit un papier sur lequel on négocie en silence, soit une calculatrice qu’on se passe en inscrivant notre offre et contre-offre. Ils finissent toujours par demander ton meilleur prix. (Alors, pourquoi juste pas commencer par ça!?) Et quand ils acceptent, ils te serrent la main. Et on aurait dit que chaque fois qu’ils acceptaient, j’avais l’impression de me faire avoir, pour ne pas dire autre chose. Des prix qui varient, des prix trop chers pour ce que ça vaut alors qu’on n’en connaît pas la valeur, c’est vraiment pas plaisant. « Ça fait partie de l’expérience », qu’on m’a dit. Ouais, peut-être, mais pour le côté agréable de ladite expérience, on repassera.
Les tours guidés nous emmènent toujours dans des boutiques prédéterminées. Ils touchent sûrement un pourcentage. Ainsi, on est allés visiter un atelier de tapis, mais les prix étaient astronomiques. Je peux bien croire que c’est unique, fait à la main et teint naturellement sur de la laine de chèvre des montagnes élevée en liberté, mais payer des centaines de dollars pour un tapis sur lequel on ne voudra même pas marcher, c’est exagéré. On s’est contentées de boucles d’oreille dans cette boutique et on est très satisfaites du prix payé. Évidemment, on en a acheté plusieurs parce que « Plus vous en achetez, plus le prix sera bas », répètent-ils.
Mon amie a aussi négocié un super beau sac à dos en cuir orangé, pour le remplir de cossins achetés dans les souks et une fois le sac négocié, comme ils ne prenaient que l’argent comptant, l’homme a délaissé sa boutique – les voisins sont là pour s’en occuper – pour nous mener au ATM le plus près. Et « le plus près » ou « juste là » pour eux, c’est toujours SUPER loin.
Là où on n’a particulièrement pas apprécié la négociation, c’est à la tannerie. On a visité les installations et enduré l’odeur immonde, et eu les explications d’un vieil homme en béquilles qui marchait plus vite que nous. Il y avait une affiche indiquant que les visites étaient gratuites parce qu’elles étaient offertes par une association, un genre de coopérative, et que les visiteurs n’avaient rien à débourser. On était contentes.
Le vieillard nous a ensuite emmenées dans la boutique des artisans. Ah et en passant, les femmes s’occupent de la couture et tout et elles le font à l’intérieur, jamais dehors. Comme si on voulait les cacher. Il semblerait qu’on puisse les rencontrer et entrer dans les ateliers, mais on est arrivées trop tard pour ça. J’aurais bien aimé voir leurs conditions de travail. Donc on est entrées dans la boutique, où il y avait des manteaux de cuir, des sacs, des ceintures, des tapis, des couvertures et des poufs (ou lits pour Charlot). Mon amie a eu un coup de cœur pour une couverture, et moi pour le lit de chien. On s’est assis par terre avec le vendeur à sa demande et là, les négos ont commencé. Premier prix pour la couverture? Quelque chose comme 2400 dirhams, soit 240 euros, soit 400 CAD. HA. HA. HA. Aucune chance que mon amie paie ça. Pour moi, c’était 1200 dirhams. Même réaction.
Alors on a relancé sur le petit bout de papier. Dans mon livre sur Marrakech, je me souvenais de quelque chose comme « la moitié », mais je ne me souvenais pas s’il ne fallait jamais payer plus que la moitié du premier prix ou si notre première offre devait être la moitié du prix. J’aurais dû mieux étudier. On a continué en écrivant des prix super bas et à un moment donné, il nous a dit que l’argent allait à l’association et que comme le ramadan finirait bientôt, c’est avec cet argent qu’ils pourraient faire la fête. Bon, ce ne sont pas vraiment des arguments qui ont du poids pour moi, mais je voulais ce foutu lit et mon amie tenait à sa couverture. J’ai offert 500 dirhams comme dernière offre. Il a dit, tout bas « OK, voici ce qu’on va faire, mais ça doit absolument demeurer confidentiel, vous ne devez pas le dire. D’accord pour 500 et on ajoute 100 dirhams pour moi ». Pour mon amie, c’était 200 dirhams à ajouter au montant. On a accepté. Heureusement, on pouvait payer avec nos cartes de crédit (ces endroits étaient rares!). Une fois à la caisse, le montant qui est apparu pour moi était de 500. Je me suis dit « Oh yeah, il s’est trompé, je vais me taire ». Mon amie a payé à son tour et en se retournant, elle m’a dit « je pense qu’il s’est trompé ». Et là on a réalisé que c’était louche. L’homme nous a suivies jusque dans les escaliers et nous a dit « Et moi? ». On a fait semblant de ne pas comprendre. Et il a insisté. On était prises en souricière. Le problème, c’est qu’il ne me restait que deux billets de 100 dirhams. Donc assez pour moi, mais pas pour mon amie, qui n’avait plus rien sur elle! On lui a dit que c’était tout ce qu’on avait et que ce serait ça ou rien. On aurait pu sortir la menace de parler de ses pots-de-vin à son association, mais bon…
Dépouillées, on est sorties à l’extérieur, où nous avait attendues l’homme en béquilles. On lui a dit merci, il nous a serré la main (elle était toute humide de sueur, il n’y a pas grand-chose qui m’écoeure plus que ça dans la vie!) et nous a demandé un pourboire. On avait été si naïves de croire la petite affiche disant que c’était gratuit et qu’on n’avait pas à donner de pourboire! Le hic, c’est qu’il ne me restait qu’un billet de 20 dirhams et une pièce de 10 dirhams. Un inconnu qui assistait à la scène a commencé à nous dire que ce n’était vraiment pas assez, que ça ne représentait rien. Encore une fois, il nous a dit que ça donnait 3 EUR et on a crié à l’unisson « ON NE PARLE PAS L’EURO », tannées qu’on nous prenne pour des Françaises. J’ai dit, pensant m’en sauver, qu’il ne me restait qu’un billet de 5$ américain. « OK, donne-le-moi ». IL A TOUT PRIS! Les 30 dirhams et le 5 USD. C’est pas beaucoup, mais c’est quand même une arnaque. On n’était pas contentes. Mais bon, il n’y avait rien à faire. Et à partir de ce moment, on n’avait vraiment plus rien à donner à qui que ce soit! (En fait c’est faux, mais j’ai décidé de faire comme si l’argent américain caché dans mon portefeuille n’existait pas).
Un autre avec qui on a dû négocier, c’est le charmeur de serpent. Je voulais absolument une photo et je savais que ça ne serait pas gratuit, alors je lui ai demandé combien je devais payer. Il m’a répondu « ce que tu veux ». Encore là, j’ai été un peu conne! Je n’avais que 20 dirhams sur moi, alors je lui ai dit ça et il a dit OK. Il a pris mon téléphone, pris des photos quand même cool avec le serpent et tout et quand est venu le temps de payer, je lui ai remis mon billet de 20 et il a dit « Mais non! Ce n’est rien ça, ça vaut 30 euros les photos que vous avez eues! » Aye. Es-tu malade, toi. Jamais je vais payer 45$ pour une photo avec un serpent et 38 secondes de musique du charmeur. J’ai emprunté un autre 20 dirhams à mon amie, je lui ai donné les 40 et dit très sèchement que c’est tout ce qu’il aurait. J’avais juste peur qu’il m’attaque avec son serpent! Mais rendu là, on était vraiment tannées de cette pratique tellement loin de nos habitudes et nos valeurs! Alors j’ai mon lit de chien, j’ai ma photo de serpent, j’ai un tas de trucs, mais j’ai aussi sûrement surpayé tout ça!