vendredi 6 mai 2016

Malaise dans les townships et poursuite dans la rue

Je vous ai parlé ici de la pauvreté que l’on côtoie sans cesse à Cape Town. J’en ai eu un autre exemple tout juste avant de partir, mais qui a été franchement désagréable.

En entrant dans un dépanneur, une dame m’a demandé, en se lamentant, de lui acheter de la nourriture. En fait, elle a crié «fooooood, foooooood». Mais je l’ai ignorée. Parce qu’à un moment donné, je ne peux pas nourrir la ville au grand complet.

Je complète donc mes achats et en ressortant, je réalise qu’elle m’attendait. Elle refait sa demande. Je l’ignore à nouveau et je poursuis mon chemin. Je marche sur Long Street, mais j’entends constamment ses «fooooood, fooooood». Je me dis qu’elle harcèle aussi tous les gens qui me suivent. Eh bien non. C’est elle qui me suit, car il n’y a personne d’autre dans la rue. Je continue à l’ignorer. Elle ne m’inspirait ni confiance ni générosité.

Je change de rue, m’éloigne de l’artère principale et elle me suit toujours. Après un bon 500 mètres – c’est long, à pied – je me suis tannée. Je me suis retournée et j’ai crié. J’ai vraiment perdu patience. Elle le méritait, parce qu’elle était vraiment achalante, mais elle a aussi sûrement payé pour tous les autres qui m’ont apostrophée dans les derniers mois.

Le problème, c’est qu’elle ne comprenait rien. Et elle a continué à me pourchasser!

Alors là, j’ai vraiment éclaté. Je lui ai hurlé d’arrêter de me suivre, car je ne lui achèterais rien et je lui ai ordonné d’aller suivre quelqu’un d’autre. C’est surtout que je commençais à moins aimer ça puisque les rues étaient désormais désertes.

Je l’ai semée en entrant dans un Subway. Subway qui, soit dit en passant, a du ketchup. (Ceux qui ont vu le numéro de l’humoriste Étienne Dano sur ça, vous aurez compris que je suis partie à rire comme une idiote en voyant ça!)

Sentiment indescriptible dans les townships


Pour en revenir à la pauvreté, je voulais quand même en apprendre un peu sur les townships. Ce sont ces quartiers plus que défavorisés avec des «maisons» minuscules et entassées, un peu à l’extérieur de la ville, sur le long des autoroutes.

Il y a plusieurs de mes collègues au resto qui habitent dans des townships et pour les avoir côtoyés régulièrement, j’imagine bien qu’ils n’habitent pas dans une «soue à cochon». Mais ça m’intriguait et je ne voulais pas vraiment aller fouiner chez eux. Je cherchais à faire comme j’avais fait à Rio de Janeiro en visitant les favelas. J’avais trouvé ça super intéressant et le tour avait été fait de façon à ne pas être «voyeur». J’avais le choix entre deux visites guidées des townships à Cape Town.

D’après, moi, j’ai choisi la mauvaise. C’est que l’expérience n’a pas été super, disons.

D’abord, puisque l’hiver arrive dans ce coin du globe, la saison touristique tire à sa fin. Pour ma visite, on était donc… trois. Et ça compte le guide et le chauffeur. Bref, j’avais une visite en solo. Ça peut être bien quand c’est comme ce que j’ai eu en Égypte, alors qu’on en apprend sur l’histoire, mais dans des townships, je dirais que c’est juste malaisant.

Les deux habitent dans ces quartiers et m’expliquent que parfois, les gens qui réussissent y retournent volontairement pour y élever leurs enfants dans le but d’être un exemple et d’en inspirer d’autres. Ils me parlent des gens qui ne reçoivent absolument aucun argent du gouvernement et qui survivent comme ils le peuvent, comme avec des petits commerces. Je m’attendais donc à voir une communauté du type battante, qui a envie de travailler, dans tous les sens du terme, pour avoir une vie meilleure.
Lorsqu’on est arrivés, on m’a pointé des petites affiches sur les maisons. Ce sont les noms des personnalités sportives ou des artistes qui ont brillé, qui sont inscrits sur le devant de la maison où ils ont grandi.
Jusque-là, tout allait bien. J’hésitais à prendre des photos, de peur de violer l’intimité des habitants. Et aussi parce qu’on m’a dit qu’ils me demanderaient sûrement de l’argent s’ils s’en rendaient compte.


C’est lorsque la visite à pied a commencé que j’ai moins tripé.

Le chauffeur nous a déposés dans un «musée», minuscule bâtisse où on explique l’apartheid et les «dompas«, ou littéralement les «dumb passes». C’était un genre de passeport que les Noirs devaient avoir sur eux en tout temps pour contrôler leurs allées et venues. Cette partie était très intéressante, puisque j’en avais entendu parler déjà dans quelques visites. C’est vraiment un objet criant de racisme et d’injustice.
Puis on entre dans les rues. Je m’attendais à ce que ce soit sale et un peu dégoûtant. Mais c’était encore pire.


De plus, je me sentais vraiment mal, moi la seule Blanche avec mon gros sac à main et ma caméra – que je cachais le plus possible – à passer devant ces dizaines de gens qui ne faisaient rien d’autre que de jaser, assis par terre.
Il y avait des déchets partout. Je vous laisse imaginer l’odeur. Même si c’est la dernière chose que je voulais faire, je suis passée en monde légèrement princesse. Parce que tout me dégoûtait, parce que je n’étais pas à l’aise, parce que je regrettais amèrement d’être toute seule dans cette visite. Ça devait être très différent de se déplacer en groupe.


J’essayais d’être gentille, de faire des sourires, de saluer les gens. On me le rendait peu. J’avais peur de déranger et de passer pour la riche qui vient cracher sur les pauvres en les regardant de haut.

Dans un recoin d’une ruelle malpropre, le guide m’explique qu’ils fabriquent leur propre bière. Déjà que je ne bois pas de bière, c’était impossible que je goûte à celle-là. Je crois qu’il l’a un peu mal pris et a carrément sauté les étapes des explications du procédé de fabrication.

Ensuite, on a marché devant des commerces. On vend des têtes d’agneaux, les restants de ce que les bouchers ne prennent pas. On m’a expliqué ce qu’on faisait avec ça, mais mon cerveau n’a rien enregistré, trop occupé à essayer de ne pas vomir en voyant les mouches tourner autour de ces têtes. Il y avait aussi des coiffeurs dans des containers et des vendeurs de toutes sortes de gugusses, de la nourriture aux pneus.
Puis on arrive devant des édifices à deux étages. Les gens y habitent en attendant d’avoir un logement social, en quelque sorte. Le guide me dit qu’on peut y entrer, mais qu’il doit juste aller demander aux résidents si c’est correct à ce moment. Pendant ce temps, il me laisse devant un étalage de souvenirs où je peux «magasiner». Le problème, c’est que j’étais seule. Et que je n’avais aucune envie d’acheter quoi que ce soit. C’était les mêmes bracelets, les mêmes girafes en bois, les mêmes pots que partout en ville. Je ne suis pas du genre à me ramener des souvenirs de mes voyages, pour la simple raison que je n’ai pas de place pour les mettre. Et mes achats pour mes proches étaient déjà faits. Qui plus est, je n’avais même pas amené plus que l’argent que j’allais donner en pourboire.


Le vendeur, au début souriant, s’est fait de plus en plus cinglant en voyant que je n’achetais rien. Et on n’était juste tous les deux, puisque le guide a mis une éternité à revenir. En fait, quand il est réapparu, je lui ai lancé un «ne me laisse plus JAMAIS toute seule», alors que l’homme s’est mis à crier que «Elle n’a même pas d’argent! Elle vient ici et n’a pas d’argent! Personne ne lui a dit qu’il fallait qu’elle en apporte?»

Super agréable.

La visite des maisons, c’était répugnant. Je sais, ce n’est pas tout le monde qui a la chance d’avoir un certain confort, ou juste un toit. Mais le voir ne m’a que fait sentir encore plus mal à l’aise. Le guide m’a dit que je pouvais prendre des photos de la chambre, partagée par une famille au grand complet. Je l’ai fait, un peu à contre-cœur, pas mal juste dans le but d’appuyer mes propos ici.
   
Je vous épargne la salle de bain et la cuisine, partagées par cinq ou six familles.

Normalement, la visite se termine là dans ce township, le chauffeur nous reprend et nous mène à l’autre arrêt. Sauf que notre chauffeur, ça ne lui tentait pas trop de travailler alors il ne s’est jamais pointé. Mon guide s’est donc lancé dans un monologue de «c’est difficile d’avoir une job ici, alors je ne peux pas chialer contre mes collègues, sinon on va tous les perdre», ce qui s’est poursuivi en longue tirade sur la vie dans les townships, de ceux qui ne font rien pour s’en sortir à ceux qui, comme lui, doivent dépenser presque tout leur salaire en transport pour aller en ville.

Je ne savais pas trop quoi répondre…

Le chauffeur est arrivé une bonne heure plus tard. J’avais hâte en maudit. Les derniers arrêts, je ne suis même pas débarquée. Je n’en avais pas trop envie. Puis il m’amène dans un restaurant, qui est tout de même nommé dans mon guide sur la ville. Il m’offre d’arrêter pour y manger et de prendre un bus plus tard. Mais après avoir visité les cuisines – mais pourquoi m’a-t-il fait passer par là!? – il était hors de question que je mange là. J’avais même le goût de crier à tous les touristes et locaux assis dehors que la cuisine était dans un état lamentable.

Je n’avais qu’une envie : que la visite se termine et que je puisse rentrer chez moi. Mais alors qu’on sortait d’un autre townships et qu’on se trouvait devant plein de «commerces» plus douteux les uns que les autres, dont un tas de services de mécanique, le chauffeur s’est arrêté pour aller faire ce qui ressemblait à un deal. Deal de quoi? J’avoue que j’ai eu peur que ce soit de la drogue. Comme j’étais dans un genre de minibus, j’ai revu la scène des Boys II lorsqu’ils sont à Chamonix et que le même véhicule s’arrête, leur volant tout et les laissant sur le bord de la route.

Il nous a fait attendre une bonne dizaine de minutes. J’ai eu droit pendant ce temps à un autre monologue sur je ne sais quoi du guide.

Finalement, il s’est acheté un genre d’adaptateur pour je ne sais trop quoi. Me semble que ç’aurait pu attendre.

Bref, si jamais vous voulez faire la visite des townships, je ne vous propose pas du tout celle appelée «LaGuGu», proposée par les bus rouges de City Sightseeing…

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