Qui dit Afrique du Sud et Cape Town dit aussi Nelson
Mandela. Normal, c’est que l’ancien président du pays y a été emprisonné pour
aucune bonne raison durant 27 ans.
Pensez-y, c’est long en maudit.
Dix-huit de ces années ont été purgées à Robben Island. C’est
un peu l’équivalent d’Alcatraz, mais avec des prisonniers politiques – alors ça
brassait pas mal moins! En fait, la seule ressemblance avec la prison de San
Francisco, c’est que c’est sur une île. Parce que je vais être honnête, Robben
Island est vraiment moins intéressante.
C’est un peu un passage obligé quand on vient à Cape Town,
mais je vous avertis, ce n’est pas la visite la plus palpitante. Peut-être que
c’est moi qui suis blasée, après avoir visité des endroits qui nous virent à l’envers,
comme Alcatraz et dans un tout autre ordre d’idées, Auschwitz. Mais même si les
histoires des prisonniers brisent le cœur, je n’ai pas trop ressenti d’émotions
sur place.
Je crois que c’est parce que l’histoire ne nous y est pas très bien racontée. J’avais l’impression que les guides tenaient pour acquis qu’on connaissait en détail l’Apartheid, la vie de Mandela et sa libération. J’aurais voulu en savoir beaucoup plus.
En fait, j’en ai plus appris en lisant les affiche dans la file d’attente pour le bateau! Et j’ai attendu longtemps, car mon bateau avait 30 minutes de retard. Grrrrr.
Parenthèse ici. Si vous avez le mal de mer, évitez cette visite! À moins d’être armé de Gravol, de patchs ou de peu importe ce qui peut vous aider. Car c’est un bateau pas très gros – sur lequel on gèle! – qui vous mènera à l’île. Comme elle se trouve à 11 kilomètres de la ville, ça prend environ 45 minutes. Dans les vagues. Mais genre, des immenses vagues. À l’aller, je me suis juste concentrée pour essayer de ne pas penser que j’avais l’impression d’être au Pôle Nord en bikini tellement j’avais froid. Fin de la parenthèse!
Je n’ai pas été super chanceuse pour ma journée. Il y avait un épais brouillard qui faisait en sorte qu’on ne voyait absolument pas la ville une fois sur l’île. Dommage, je suis certaine que le paysage aurait été magnifique.
Donc lorsqu’on arrive sur l’île, on embarque dans un autobus pour une visite de l’endroit. On ne sort qu’au petit restaurant où j’ai mangé un «succulente» sandwich au… fromage râpé et à la salade. Et disons qu’il était tiède. Bref, voici ce que j’ai appris :
Il y a une petite maison blanche, au beau milieu de grosses niches où logeaient les chiens de garde. Dans cette maison, qui était en fait une cellule, était emprisonné Robert Sobukwe, leader du Pan-Africanist Congress. Il y avait un règlement très particulier pour ce détenu. Personne n’avait le droit de lui parler. Il n’a donc entendu la voix d’aucun être humain sauf lui pendant… huit ans. Et lorsque sa sentence s’est terminée, le gouvernement a passé une loi spécifiquement pour lui, disant que sa sentence était automatiquement prolongée dès qu’elle se terminait.
Quand il a fini par être libéré, il avait de graves problèmes avec ses cordes vocales, qui n’avaient presque pas servi durant tout ce temps.
Les prisonniers pouvaient recevoir de la visite, mais seulement deux fois par année. Et pour y aller, on devait avoir 18 ans et plus. Impossible donc de voir ses enfants. De plus, les conversations devaient strictement se faire en anglais ou en afrikaans. Un mot parlé dans une autre langue et hop, la visite était terminée. On se revoyait dans six mois…
Les lits ne sont arrivés qu’en 1979 dans cette prison. Avant cela – Mandela est arrivé en 1964, pour vous donner une idée du temps qu’il a passé sans lit! – les prisonniers dormaient sur cette couverture :
Disons que les maux de dos devaient être fréquents.
Les prisonniers étaient exploités pour tailler des bouts de roche, sans autre outil qu’un pic. Et au final, ces roches taillées servaient à paver les rues sur l’île. Le soleil tapait beaucoup et la poussière de roches a rendu malades plusieurs prisonniers. Certains n’étaient plus capable de produire de larmes. D’autres ont été victimes de graves problèmes respiratoires.
C’est toutefois dans cette carrière que les hommes s’enseignaient toutes sortes de choses. Une espèce de grotte, au fond, était appelée l’université. Mais elle servait aussi de chiottes. C’est pourquoi les gardiens de sécurité ne s’y aventuraient pas. Les détenus pouvaient donc partager leurs connaissances. Il faut comprendre que c’était tous des prisonniers politiques. En fait, trois d’entre eux ont part la suite été élus comme président de l’Afrique du Sud!
Ah oui et s’ils préféraient aller faire leurs besoins dans les buissons, eh bien on tirait sur eux, tout simplement.
Quant à Mandela, voici sa cellule :
Je ne sais pas si c’est moi qui suis insensible ou c’est le fait de ne pas encore avoir assez lu sur l’Apartheid et tout, mais je n’ai rien ressenti, contrairement à ce à quoi je m’attendais.
On visite la prison à sécurité maximale où il était dans la deuxième partie du tour guidé. Le problème, c’est que je n’ai compris qu’à peu près 10 pourcents de ce que le guide nous a dit. Souvent, je me demandais même s’il n’était pas en train de parler en afrikaans. Je pensais que c’était moi qui étais poche, mais j’ai été «rassurée» quand j’ai entendu un couple d’Américains se plaindre qu’ils ne comprenaient rien non plus. C’est dommage, car c’est un ancien prisonnier qui nous parle. Mais il a plutôt eu un message politique – de ce que j’ai compris – sur la situation actuelle au lieu de nous parler plus longuement des conditions dans lesquelles il avait été incarcéré.
Les chiffres que l’on voit partout dans la boutique souvenir sont 466-64. C’est la matricule de Mandela. Cela signifie qu’il a été le 466e à arriver à Robben Island en 1964.
Aujourd’hui, l’île est encore habitée par quelques familles. Ce serait des descendants des gardiens de prison, qui ont gardé la maison de leurs parents. Je ne comprends pas vraiment l’intérêt d’y rester. Il n’y a aucune épicerie, aucun service. Il y avait une école, mais ils l’ont fermée puisqu’il n’y avait que 18 élèves. Les enfants doivent donc se taper le merveilleux bateau matins et soirs pour aller à l’école. Même chose pour aller magasiner, faire l’épicerie, etc. J’ai vu des voitures, mais pas de station-service. Aucune idée s’il y en avait une de cachée quelque part!
Avant d’être une prison, Robben Island était un hôpital psychiatrique, pour devenir une base militaire durant la Deuxième guerre mondiale, puis la prison.
On y trouve aussi un cimetière de lépreux. On les envoyait là-bas parce qu’on avait peur qu’ils soient contagieux, même après leur mort.
Alors voilà. Si vous passez par Cape Town, allez-y, mais n’ayez pas des attentes trop élevées!