mardi 19 avril 2016

Côtoyer la misère, la malhonnêteté... et la bonté

Pas toujours facile de côtoyer la misère. Il est aussi difficile de savoir à qui on peut faire confiance ou pas. Voici deux situations qui m'ont secouée quelque peu, toujours en direct de Cape Town, en Afrique du Sud.

On nous répète de faire preuve de grande prudence en tout temps. C’est que les pick pockets sont très actifs ici. Si ma sacoche est légèrement ouverte, il y a toujours un inconnu qui va me le souligner. On me le dit toujours, parce que j’ai la très mauvaise habitude de ne jamais la refermer.

Je suis un peu «Thomas». Je ne crois pas à ces vols jusqu’à ce que j’en sois témoin. Eh bien c’est arrivé la semaine passée au restaurant où je travaille et même si je n’y pouvais rien, je m’en veux.

C’est que trois personnes sont entrées dans le restaurant, un peu après 22h. Déjà là, je trouvais ça un peu louche. C'est difficile d'expliquer sans avoir l'air bourrée de jugements, mais les trois dames n’avaient pas l’air vraiment de notre clientèle typique, disons. Mais j'ai justement mis de côté mes préjugés pour les accueillir comme il se doit. L’une d’elles s’est avancée vers moi – je suis derrière le bar – et m’a demandé si elle pouvait faire une réservation ou si j’avais une carte d’affaires avec le numéro. Je lui donne, mais en même temps, j’ai un mauvais feeling que je ne saurais expliquer. Les deux autres sont là, mais je leur fais dos. Dès que je donne la carte à la dame et que je lui montre le numéro, je sens qu’elle se fout carrément des informations que je suis en train de lui donner. Mais bon, ça se peut. Et elles sortent rapidement.

Je n’en fais pas cas, mais quelques minutes plus tard, un homme au bar est revenu de l’extérieur où il était allé fumer et il a lancé, en panique : «Euh… mon cell était juste là il y a une minute à peine!»

Shit.

Les autres employées et clients ont tout de suite fait le lien. Pas moi, je suis trop novice à ce jeu.
«Les trois %?&*! Je le savais qu’elles étaient louches!» s’est écriée ma collègue en courant dehors pour voir si on les apercevait encore. Mais en vain.

Je me sentais responsable, mais en même temps, je vois difficilement ce que j’aurais pu faire.
Alors maintenant j’en ai la preuve. Je ne laisse rien à portée de main. Ce sont de vrais ninjas! Mais des méchants ninjas…

Rester de marbre... ou pas


On se fait sans cesse achaler ici. On nous demande de l'argent, de la bouffe, une job... Il faut se créer une carapace et devenir insensible, car sinon on n'y arriverait juste pas. Mais un jour, j'ai dérogé à ma règle. Un petit garçon de 7-8 ans m'a accostée devant un PFK. Et je dois dire qu'il était assez persévérant. Je lui ai demandé ce qu'il avait mangé dans la journée (il était 15h) et où étaient ses parents. Sa réponse? «Ma mère est à la maison avec mon frère et je n'ai rien mangé». Bon. Ça se peut qu'il dise ça à tout le monde, mais j'ai bien voulu le croire. Il voulait un trio quelconque au PFK. Je lui ai dit que je refusais de lui acheter ça, mais que je voulais bien lui offrir un fruit. Il m'a alors demandé du pain et du lait. Bon négociateur le petit. Je l'ai donc emmené à l'épicerie tout en lui faisant promettre à peu près 100 fois qu'il irait directement à la maison avec ça. Une fois sur place, il a ajouté du beurre d'arachide pour son «petit frère qui doit manger mou». J'ai dit oui, mais pas plus. Bon négociateur, je disais. Je lui ai dit que c'était mon cadeau de Pâques. Alors on est passés à la caisse où le caissier lui a aussi fait promettre de ne plus quêter de la journée (on est rendus là, c'est triste).
J'espère qu'il a tenu promesse. Et maintenant, je dois malheureusement remettre ma carapace...

Quelques semaines plus tard, je me suis encore fait accoster tout près de Shortmarket. J’ai encore fait ma face de bitch, mais le gars a eu une réaction désespérée comme j’en ai rarement vue. Il se prenait la tête et semblait se détester de devoir me parler. Après deux ou trois de mes refus, il a dit qu’il ne voulait pas me vendre quelque chose, mais qu’il était un sans-abri et qu’il voulait que je lui achète des trucs pour son bébé et sa femme,.

Faut croire qu’il m’a eue au mot «bébé» même si dans ma tête, je me suis juste dit que c’est inhumain de mettre au monde un enfant qui n’a rien demandé si c’est pour qu’il vive dans de telles conditions. Je sais, c’est un jugement gratuit, mais à force de côtoyer tous ces enfants sans toit et visiblement sans avenir, on devient frustrés.

J’ai donc accepté d’aller au magasin avec lui pour acheter du lait pour enfants et des céréales. Malheureusement, j’ai changé d’idée quand j’ai vu le prix de ce qu’il me demandait. C’était, en dollars canadiens, 20$ pour le lait seulement. J’ai beau vouloir être généreuse, ça, c’est trop. Surtout qu’on ne sait jamais vraiment à quel point on peut faire confiance aux gens à qui on offre ces achats.
Un guide m’a expliqué plus tard dans la journée que souvent, ils retournaient au magasin échanger ce qu’ils viennent d’avoir, mais pour la moitié du prix et repartent avec l’argent. Ça m’a fâchée. J’espère que le gars n’a pas fait ça.

J’ai eu droit à un «Merci beaucoup, passez une belle journée», mais sans grande chaleur. Je crois qu’il était fâché que je ne lui achète pas le lait désiré. Mais j’ai quand même déboursé 105 rands pour lui, ce qui équivaut environ à 10$. Pour un inconnu, on s’entend. Je n’ai même pas eu droit à l’esquisse d’un sourire. Mais bon, si je me mets à sa place, je n’aurais sûrement pas vraiment envie de sourire moi non plus.

Sauf que là, c’est vrai, je dois remettre ma carapace. Je ne veux pas donner d’argent ou de choses qui visiblement peuvent être échangées contre de l’argent. Le seul don que je fais désormais, ce sont mes restants de table au restaurant. Ça, je suis certaine que ça va directement dans le ventre de quelqu’un qui en a besoin, car ils ne peuvent pas faire grand-chose d’autre avec ça.

D’ailleurs, mon amie, avec qui je travaille, a pris l’habitude de faire des «doggy bags» des repas des clients qui ne finissent pas leur assiette, mais qui ne veulent pas rapporter les restes. Et elle les distribue le soir aux itinérants qui passent près du resto. Un d’eux est venu lui remettre une fleur le lendemain avec une magnifique note écrite à la main, dans un anglais parfait. Pour vrai, sa classe m’a marquée. En fait, je me sentais surtout mal parce qu’il était venu cogner à la fenêtre du resto, une fois qu’on était fermés et que je l’ai ignoré. J’ai bien vu qu’il avait quelque chose dans les mains, mais je ne pouvais pas savoir que c’était une fleur. Et il était 2h du matin. La règle est de les ignorer… Mais mon patron l’a reconnu et est allé le voir. J’aurais voulu courir dehors m’excuser quand j’ai vu la note, mais il n’était plus là...

Je vous laisse sur cette photo, que j'ai prise sans même le savoir. 

Je voulais photographier un village et sa tonne de déchets, car je le trouvais «typique». C'est drôle à dire, mais il était à la fois beau et triste. Comme on était sur la route, j'ai juste pris quelques clichés en rafale, sans regarder le résultat.

C'est en les téléchargeant sur mon ordinateur que j'ai eu la surprise de découvrir cette photo, que j'adore. Elle ne pouvait pas mieux décrire ce village!



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