Question de s’imprégner pleinement dans la culture
portugaise, on se devait d’assister à une soirée «Fado», qui veut dire
«destin».
Qu’est-ce que c’est? Un chant qui leur est propre –
tellement qu’il est certifié patrimoine de l’UNESCO – accompagné d’une ou de deux
guitares et qui est surtout très près des émotions, que ce soit la peine,
l’amour, la solitude, etc.
On avait eu un de la difficulté à trouver du vrai Flamenco –
pas du «stagé» avec des costumes et des attrape-touristes – à Séville et on en a
eu tout autant pour le Fado à Lisbonne. Je vous raconterai d’ailleurs notre
séjour à Séville dans un autre billet.
Normalement, c’est super facile de trouver un resto-bar où
on présente du Fado.
Sauf le dimanche.
Et c’est évidemment ce soir-là qu’on a choisi pour y aller.
Après plus d’une heure de recherches sur Google et TripAdvisor, on en a enfin trouvé un qui avait très peu de commentaires, mais qui étaient tous excellents
ou très bons. Mais l’endroit n’avait aucun site Internet pour nous aider. C’est
que dans certains des clubs les plus reconnus, ça coûte une fortune y passer la
soirée. On peut facilement recevoir une facture avoisinant les 50 euros par
personne. Ça ne nous tentait pas.
Le quartier le plus reconnu pour ça est Alfama, près du
château São Jorges (que l’on a aussi visité, à lire prochainement!). C’est un
quartier avec des rues très étroites et beaucoup, beaucoup de côtes. Il y a
aussi un tramway, ce qui lui donne des airs de San Francisco. Notre petit
resto, Boteca Da Fa, s’y trouvait. Ça augurait donc bien. Sauf pour la partie
où le chauffeur de taxi nous a admis ne jamais avoir entendu parler de cet
endroit!
À notre arrivée sur place, on a tout de suite été conquises.
C’était tout petit, super intime, une chanteuse était à l’œuvre et c’était le
silence le plus complet dans la salle. En fait, détail important, on ne parle
PAS durant les performances. Parce que si vous le faites, oh que vous allez
vous faire avertir. Heureusement, on avait été mises au courant avant de s’y
pointer.
Le serveur est même venu nous accueillir à l’extérieur du
restaurant et a attendu la fin de la chanson avant de nous installer à notre
table. C’est dire à quel point c’est silencieux.
On prend donc place et tout de suite, le serveur nous dépose
du pain, du fromage et des charcuteries sur la table. On a rapidement appris en
voyage que ce ne sont pas des «cadeaux» et que l’on doit payer pour ça, souvent
qu’on y touche ou non. On a donc pris l’habitude de refuser et de retourner ces
entrées, mais cette fois, on était affamées, alors ça tombait bien. Ce n’est
habituellement pas super dispendieux, alors ça nous allait.
Le serveur nous demande si on veut du porto blanc. En fait,
il exige plutôt qu’on essaie son porto blanc. Je refuse, pour la simple raison
que je ne bois pas ça. Il insiste. Je refuse à nouveau. Il me dit que je dois
absolument l’essayer pour y goûter. Je ne me souviens pas trop de mon
acquiescement, mais quelques instants plus tard, on avait deux minuscules
verres de porto blanc devant nous. Comme prévu, je n’ai que trempé mes lèvres
et je n’ai pas aimé.
Après avoir pris nos commandes – les plats étaient tous à 10
euros, ce qui n’est pas cher! – il réalise que je ne bois pas mon porto. Je lui
répète que je n’aime pas ça. Insulté, il le prend, sauf que c’est là où nous
avons fait une erreur de débutantes. On avait tenu pour acquis que c’était une
dégustation, car il avait amené ça à chaque personne dans le restaurant. Alors
on a dit qu’on le garderait et que Jenny boirait les deux. Sinon il aurait dû
le jeter de toute façon.
Il l’a remis sur la table avec beaucoup trop d’attitude.
Bizarre, car jusque-là, il était quand même sympathique, même s’il refusait
d’accepter le fait qu’un être humain puisse ne pas boire de porto.
Le service de la boisson et de la nourriture se fait entre
les petits spectacles, qui durent environ 15 à 20 minutes chacun. Je rappelle
que pendant ce temps, il faut garder le silence. Mais il ne faut aussi surtout
pas avoir besoin d’aller au petit coin, car il n’y a qu’une salle de bain… dans
le coin du resto (voir photo un peu plus bas). Et il n’y a pas de plafond. Je ne sais pas, mais une toilette
à aire ouverte, dans le resto et à côté des chanteurs, me semble que c’est un
peu la pire idée de l’histoire des toilettes de resto…
On commençait à être un peu fatiguées quand ils ont à
nouveau éteint toutes les lumières, gardant qu’une petite lueur rougeâtre pour
l’ambiance. Pas le temps de demander l’addition donc, d’autant plus qu’à notre
grande surprise, le nouveau chanteur, eh bien c’était notre serveur.
Mais quelle voix! C’était vraiment très beau. Même si on ne
comprenait absolument pas les paroles.
Pour le spectacle, cet endroit est parfait. Sauf que c’est par la suite que ça s’est gâté.
Après son tour de chant qui a encore une fois duré près d’une vingtaine de minutes, il est allé jaser et fumer à l’extérieur. Toujours pas de facture.
À son retour, on lui fait signe et il nous dit simplement d’attendre. Ouais, ok. Mais ma patience commence à avoir ses limites, d’autant plus qu’on a eu une longue journée. En fait, 10 longues journées de suite. Mon lit m’appelait. Il avait intérêt à ne pas trop me faire attendre.
Une autre prestation commence et il nous dit qu’on doit rester pour celle-ci. Je dis un «oui» légèrement exaspéré, mais je lui tends la carte de crédit pour au moins régler l’addition, question de pouvoir partir en douce entre deux chansons.
Il me fait signe qu’ils ne prennent que l’argent comptant. Euh, ça c’est le genre d’information qui aurait été pertinente de savoir dès notre arrivée, parce qu’il n’y a aucun guichet dans le resto. Ni à un kilomètre à la ronde, a-t-on appris à nos dépens quelques instants plus tard.
Après avoir essayé de lui demander plusieurs fois comment on pouvait aller chercher de quoi payer, il me fait enfin signe que «quelqu’un» va s’occuper de nous. Les délais entre chaque intervention de notre chanteur-serveur-que-j’aimais-de-moins-en-moins étaient longs. Ma patience avait complètement disparu. Je me suis finalement levée et j’ai accroché celle qui semblait être la propriétaire. Un autre chanteur se propose pour aller au guichet avec Jenny, après avoir dit «ben là, vous pouvez y aller, c’est sécuritaire les rues ici». Ouais, mais ton ami venait de nous dire que c’était «tellement compliqué qu’on ne pouvait pas y aller seules».
Jenny part donc avec l’inconnu arpenter les rues à la recherche d’une banque. Pendant ce temps, je reçois la facture. Et par facture, je veux dire ça :
Eh boy.
Donc je constate que non seulement les verres de porto étaient 5 euros chacun, mais en plus, on nous chargeait un total de 12 euros pour les entrées. Heille, c’est quasiment 20$, ça. Cinq euros juste pour le pain. Mais 10 pour un steak de veau, sauce, frites et riz? Petit problème de proportion ici.
Bref, je suis tellement écœurée d’être là que je chiale parce que je ne veux pas payer le porto imposé. Du moins, le deuxième. Je sais, on les a bus. Mais me faire ajouter 22 euros sur ma facture sans qu’on m’ait dit quoi que ce soit, même si je m’en doutais un peu, ça m’insulte quand même.
Je m’obstine donc et il se fâche, m’arrache la facture des mains et raye un porto. J’ai juste le goût de sortir du restaurant sans payer. Et ça ne m’arrive jamais.
Pendant ce temps, Jenny n’est toujours pas revenue. Nul besoin de dire que je commence un peu à m’inquiéter. Après tout, il a beau être un des chanteurs de la place, il a peut-être des mauvaises intentions.
Elle est revenue au bout de 17 minutes. C’est long! Elle m’explique que les guichets dans les rues ne sont pas remplis le weekend et donc qu’elle est tombée sur deux d’entre eux qui n’avaient plus d’argent à l’intérieur. Un détour de plus d’un kilomètre, dans des côtes tellement à pic qu’il y a des escaliers au lieu des trottoirs…
J’ai payé. Enfin. Avec un beau «pas de sourire» dans la face. Ni de merci. Parce qu’entre le moment où on a demandé de payer et notre sortie, il s’est écoulé environ une heure et demie.
Donc le fado, c’est ben beau là, mais ce n’est malheureusement pas le souvenir qui me restera en tête quand je repenserai à ce resto.
Et il vient de se mériter son premier mauvais commentaire sur TripAdvisor…