Un collègue, qui prépare également son voyage en Islande,
m’a parlé d’une carcasse d’avion qui se trouve sur la plage et qui est un must.
Pour la petite histoire, c’est un DC-3 de la Navy américaine qui a manqué d’essence
en 1973 – on a par la suite su que le pilote avait juste mis la switch au
mauvais réservoir. Heureusement, tout le monde a survécu.
J’ai donc fait mes recherches et j’ai trouvé un site qui
expliquait comment s’y rendre, puisque comme à peu près toutes les attractions,
les indications sur place ne sont pas très claires.
Mes notes me disaient qu’après telle pancarte, on continuait
un peu et que là, il y aurait une mini clôture où on laisse la voiture, car la réglementation a changé et qu’elles ne sont plus admises sur la plage. Il
faut donc marcher 4 km pour se rendre à l’avion, qui est sur le bord de l’eau.
On disait aussi qu’on ne la voyait presque juste une fois rendue sur place,
puisqu’elle est cachée derrière une dune.
Mon plan initial était d’arrêter lors de ma troisième
journée, alors que je faisais la longue route entre Reykjavik et Skaftatell. C’est
environ quatre heures de route – en théorie. Sur le chemin, la route 1, j’avais
toutes les attractions célèbres. Les chutes Seljalandsfoss et Skógafoss, la
plage de sable noir et les colonnes Reynisfjara à Vik, les genres de rocher
dans l’eau de Dyrholaey, etc.
Ç’aurait pu être une journée magnifique, en roulant sur
cette route – qui n’est pas une autoroute – qui fait le tour du pays. Sauf que
la température était merdique. En fait, imaginez un cocktail météo de marde et
multipliez-le par 12. Ça vous donnera une petite idée du temps qu’il faisait.
Je suis arrêtée partout, mais ce n’était pas agréable. Le vent était si fort que j’avais peur de m’envoler. Même dans ma voiture, à quelques endroits. Les chutes étaient moins belles – même à Skógafoss où j’ai monté les 426 marches pour aller au sommet, elles perdaient de leur lustre dans la pluie diluvienne et froide. Une fois en haut, j’ai à peine pris le temps de l’observer et encore moins de la photographier, car j’avais peur de subir des engelures aux doigts et au visage (mes mitaines étaient trempées) et parce que même si j’avais acheté un genre de petit imperméable pour ma caméra, j’avais toute la misère du monde à protéger la lentille qui était soit embuée, soit pleine de gouttes d’eau.
Même chose pour la plage de sable noir. J’ai acheté un méga coupe-vent de touristes (à 23$, parce que tout est cher) et j’avais peur de faire une sœur volante de moi-même. Pas de selfie, oubliez ça! Pour vous donner une idée du temps gris qu’il faisait, cette photo n’a PAS été prise en noir et blanc.
Revenons donc à la carcasse d’avion. J’ai cru voir le stationnement qui y menait avec des gens braves – ou inconscients – qui empruntaient la route a pied. Je ne pouvais même pas faire trois pas sans avoir l’impression de vivre le pire moment de ma vie, alors je me suis résignée et dit que j’essaierais d’arrêter au retour, le lendemain.
J’ai abdiqué, après avoir pris quelques photos pas très belles. Sauf celle-là, peut-être.
Même chose pour la plage de sable noir. J’ai acheté un méga coupe-vent de touristes (à 23$, parce que tout est cher) et j’avais peur de faire une sœur volante de moi-même. Pas de selfie, oubliez ça! Pour vous donner une idée du temps gris qu’il faisait, cette photo n’a PAS été prise en noir et blanc.
Revenons donc à la carcasse d’avion. J’ai cru voir le stationnement qui y menait avec des gens braves – ou inconscients – qui empruntaient la route a pied. Je ne pouvais même pas faire trois pas sans avoir l’impression de vivre le pire moment de ma vie, alors je me suis résignée et dit que j’essaierais d’arrêter au retour, le lendemain.
Mes plans ont toutefois changé avec mon excursion sur le glacier – les affaires le fun, vous les aurez plus tard – et je suis partie de Skaftafell beaucoup plus tard que prévu.
Il faisait plus beau cette journée-là et j’ai pensé que si la température avait l’air clémente, je pourrais m’essayer. Ce n’est que vers 19h que j’ai revu le stationnement. Encore là, comme il n’y avait aucune affiche indiquant la présence de vestiges d’avion, je n’étais même pas certaine. Mais comme je croisais des gens qui revenaient avec leur appareil photo, j’ai déduit que c’était le bon endroit Derrière moi, un magnifique coucher de soleil.
Je n’ai jamais été très bonne en estimation de temps, alors 4 km, pour moi, c’est long et ça ne l’est pas à la fois, car je voyais ça comme une petite marche d’une quarantaine de minutes. Dans le sable noir rempli de grosses roches. Heureusement, j’avais mes bottes de marche – mon meilleur achat, à 24 heures du départ vu l’oubli de l’autre paire en Floride… J’espérais arriver à temps pour pouvoir avoir ce coucher de soleil en toile de fond. Pour y aller, la route est simple. C’est ça, à l’infini :
Il ne restait que quelques rayons quand je suis enfin arrivée. Je commençais à avoir mal aux jambes, surtout que je venais d’escalader un glacier et que selon mon téléphone, j’avais déjà marché dans ma journée près de 10km et monté près de 80 étages. Mes hanches commençaient à ne plus vouloir répondre à l’appel. Et je devais remarcher tout ça…
Près de l’avion, deux gars avec un drone et un milliard de gadgets qui prenaient mille et une photos, couraient à l’intérieur de la carcasse, se pensaient seuls au monde. Bref, ils me gossaient, car j’avais de la misère à prendre mes photos. Mes réglages étaient toujours gâchés par leurs lampes de poche ou ils se foutaient carrément dans ma «shot».
Le soleil commençait à disparaître et ça ne me tentait pas trop de faire le trajet du retour dans le noir. Le problème, c’est que le sentier avec les marqueurs jaunes est élargi à partir du moment où on voit l’avion. Ils forment un genre de grand rond et sont loin l’un de l’autre.
Alors en retournant sur mes pas… je ne les ai jamais trouvés, ces p’tit criss de bâtons jaunes.
Jamais.
Je me souvenais avoir descendu la dune, alors je l’ai remontée, en me disant que j’allais finir par en voir un. Avec comme seul éclairage la lampe de mon iPhone, disons que mes chances de réussite disparaissaient au même rythme que les dernières lueurs du soleil. J’ai même maudit la lune de ne pas être plus brillante.
Pas le choix, je devais juste marcher tout droit, avec comme seuls points de repères la montagne à ma gauche et celle à ma droite. Je me suis dit que si je restais entre les deux, j’allais finir par arriver à la route. Plus j’avançais, plus je ralentissais le pas, la douleur s’étant propagée de ma hanche droite à la gauche. Mes bottes étaient devenues tellement lourdes que j’avais l’impression de porter deux blocs de ciment aux pieds.
Il faisait froid et ventait, mais ça allait. J’ai failli tomber des dizaines de fois, mes pieds accrochant une roche chaque fois. Le chemin qui était si beau à l’aller, si droit, semblait ne jamais avoir existé. Il y avait plein de dunes. Marcher dans le sable avec la garnotte qui se frayait un chemin jusqu’à l’intérieur de mes bottes était devenu un supplice. J’avais peur de tomber sur une rivière ou un ravin creux qui me barrerait la route. Parce qu’avec juste la petite lumière de mon téléphone qui se vidait dangereusement de batterie, je ne voyais pas très loin à l’avant. Je le balayais souvent de gauche à droite, espérant apercevoir le reflet d’une des balises. En vain. J’ai dû zigzaguer pas mal, en pensant en voir de temps à autre ou en «reconnaissant» quelque chose qui était sur le bord de la route à l’aller. Ce n’était que des mirages.
J’aurais voulu courir, question d’arriver plus rapidement à la route qui avait l’air de s’éloigner à chacun de mes pas. Mais c’était mission impossible. J’avais maintenant du mal à marcher. On pense à un tas de choses dans ces moments. Premièrement «quelle conne de m’être aventurée là à cette heure», deuxièmement «quelle conne de ne pas avoir activement cherché les balises jaunes en quittant le site de l’écrasement» et troisièmement «et si je n’arrivais jamais à retrouver mon chemin et que je passais la nuit, ici, incapable de faire un pas de plus?» Sérieusement, j’ai rarement été épuisée comme ça. Mes nuits sans sommeil des jours précédents n’ont pas dû aider.
Honnêtement, j’étais désespérée. Au bord des larmes et en douleur comme jamais. J'ai même regretté de ne pas avoir pris en note le numéro du «9-1-1 islandais», qui n'est évidemment pas 9-1-1. Je me suis dit que je pourrais téléphoner à mon nouvel ami Facebook, soit mon guide sur le glacier, pour qu'il vienne me sauver. Mais encore là, comment tout ce beau monde auraient-ils pu me retrouver?
Quand je suis finalement arrivée près de la route, j’ai voulu m’écrouler au sol. Une clôture de barbelés longeait la route. Quelle merde! Essayer de la grimper dans l’état où j’étais et avec mon pas de force aurait été la chose la plus ridicule à faire. La pile de mon cellulaire était maintenant très faible. Je n’avais aucune idée si je devais aller à gauche ou à droite, vu le pas de lumière et le pas de civilisation. J'ai décidé d’aller à droite, car je pensais m’être trop éloignée par la gauche. J'ai marché un moment puis j'ai vu une ouverture dans la clôture. Alléluia! Je l'ai traversée, non sans peine et sans accroc à mes vêtements et mitaines.
Toujours impossible de savoir si j'allais dans la bonne direction. Et même si j'étais tombée sur une pancarte – elles étaient très, très rares –, je n'aurais pas su si ce chemin venait avant ou après le stationnement.
J'ai donc décidé d'activer les données sur mon cellulaire, en me disant que ça me donnerait peut-être une idée. Je me souvenais des premières lettres du chemin qui était juste un peu passé le stationnement. Oh que j’aurais dû faire ça avant. Parce qu’en écrivant les premières lettres, j'ai vu apparaître «Solheimasandur Plane Wreck». Ah ben maudit. C’était sur Google Maps. Ça veut dire que j’aurais probablement pu m’en servir pour retrouver le chemin. Même si ce n'est pas une vraie route. Puis on voyait le stationnement. J'étais trop à droite. Près d’un kilomètre et demi trop à droite. J'ai longé le chemin en espérant que les voitures allaient me voir, car il n’y avait évidemment pas de trottoir. J’appuyais régulièrement sur le bouton pour déverrouiller ma voiture en espérant voir ses lumières. Mais ce bidule fonctionnait à peu près juste quand j'étais à côté d’elle. Après près d’une heure 30 minutes de marche dans le champ sablonneux, j'ai ENFIN vu ma voiture. J’aurais voulu pleurer, mais je n’en avais même pas la force.
Je n’ai vraiment pas passé un bon moment. Et le pire, c’est qu’il me restait encore plus de deux heures de route à faire. Chaque fois que je devais changer de vitesse, c'était un véritable martyr pour mes hanches. De plus, je n'avais croisé qu’un restaurant avant cet épisode et comme je n’avais pas envie de la junk du petit casse-croûte, j’avais décidé de seulement acheter des Pringles – quelle décision de marde – et d’attendre le prochain poste de ravitaillement.
Il n’est jamais venu. Mon souper a donc été... des chips. Pas d’endroit non plus pour me procurer une nouvelle bouteille d’eau…
J’ai ensuite eu du mal à marcher de ma voiture à ma chambre. Ankylosée comme jamais.
Mon dernier espoir de mettre un peu de baume sur cette aventure était de voir une aurore boréale.
Le ciel est resté noir.
Et moi, je vais avoir de la difficulté à marcher pour encore plusieurs jours…