lundi 23 mai 2022

Le cadeau de fête raté de Charlot

En temps de non-pandémie, mes parents ont l’habitude de faire un voyage en pénichette – un bateau qui pourrait se comparer à un énorme ponton sur lequel on habite et qui nous permet de traverser les canaux et les écluses – en France. Je dois avouer que lorsque je les ai aidés à faire un livre-photo de leur premier voyage (ils étaient juste tous les deux), je me suis dit que ç’avait l’air plate.

Mais au fil des ans, ils ont fait de nouveaux parcours et chaque année, une tonne d’amis et de membres de la famille voulaient en faire partie, si bien que dans les années les plus occupées, ils devaient louer un bateau pour 10 personnes. Depuis que j’ai Charlot – mon chihuahua, au cas où vous avez raté n’importe quelle de mes conversations au cours des quatre dernières années –, j’ai commencé à me dire que c’était le voyage idéal pour l’emmener en Europe pour la première fois. Il a beaucoup voyagé, avec 32 vols d’avions à son actif, mais on n’a visité que l’Amérique du Nord ensemble.

Il y a environ deux mois, mon père m’a envoyé le texto suivant : « Nos amis ne peuvent plus nous accompagner en bateau, alors trouve-toi une amie, on part le 19 mai ». Bon, il a aussi pris le soin de préciser que je devais en choisir une qu’il n’allait pas vouloir jeter par-dessus bord!

Le choix s’est donc arrêté sur ma meilleure amie, aussi connue dans la famille sous le nom de sœur illégitime, qui habite en Afrique du Sud et qui nous rejoint à Toulouse.

Les préparatifs allaient bon train. En plus, le départ était prévu 11 jours après le cinquième anniversaire de Charlot. Je ne pouvais pas trouver meilleur cadeau de fête! On part deux semaines, mais on passe une semaine sur le bateau. Évidemment, on a déniché à mon p’tit gars six ensembles de matelot différents qui s'ajoutent aux deux qu'il possède déjà et celui de lifeguard. Sans oublier son costume de roi pour la visite des châteaux.

Comme Charlot est un chien d’assistance (allez lire ma nouvelle dans le livre que j’ai récemment publié avec trois autres auteurs « Des histoires qui ont du chien » ou encore « Une fille, un char et un chihuahua » en version individuelle numérique pour connaître le fin fond de cette histoire), j’ai fait la demande auprès d’Air Transat. Ce n’est pas la première fois qu’il voyage avec cette compagnie et je me suis dit, à tort, que ce serait simple puisqu’il avait déjà été approuvé par le passé.

J’envoie donc toute la paperasse et je reçois… un refus. Une des raisons? « Votre billet du médecin date de 2019 ». Bon. Comment je pourrais ben dire ça. Ouin, c’est que j’ai pas mal la même maladie qu’en 2019 et ça risque d’être ça pour le reste de mes jours. J’irai pas voir le neurologue à chaque fois que je veux prendre l’avion pour qu’il m’en signe un nouveau… Ah et le chien, ça va aussi être le même pour toute sa vie à lui. On me suggère alors de faire une demande de chien de soutien émotionnel. Charlot peut faire les deux, mais je trouvais ça un peu niaiseux qu’ils refusent sa vraie fonction pour une maladie que j’ai en me disant de remplir de la paperasse pour dire que j’ai un trouble de santé mentale qui justifie la présence du même petit chien.

En tous cas.

Bref, je fais les démarches avec le médecin (j’ai quand même écrit un autre livre sur un trouble alimentaire, alors c’est « legit »!)

Prochaine étape, la signature du vétérinaire. Je prends rendez-vous et au téléphone, le préposé me demande si j’ai le formulaire de certificat de santé international.

- Le quoi?

- Oui, ça vous prend ça pour voyager et il faut contacter l’Agence canadienne de l’inspection des aliments, ils envoient un formulaire et vous prenez rendez-vous avec nous pour le faire signer et avec eux pour l’approuver, dans les 10 jours avant votre voyage.

(Dans ma tête : mon chien n’est pas un morceau de viande, me semble)

- Oh, une maudite chance que vous me dites ça, je ne savais pas!

Pas de problème, je prends rendez-vous avec l’ACIA le vendredi matin avant le départ (soit sept jours) et avec le vétérinaire la veille.

La dame de l’ACIA me téléphone le jeudi matin pour s’assurer que j’ai reçu le formulaire par courriel. La réponse était non, alors j’étais soulagée qu’elle m’appelle. Elle me l’envoie et là, la conversation se poursuit et c’est la panique.

- Votre chien est micropucé?

- Oui!

- Est-ce qu’il a eu ses vaccins avant ou après? Parce que l’Union européenne ne reconnaît aucun vaccin donné avant que le chien ait reçu sa micropuce. 

- Ben ça dépend lesquels, il en a eu avant et après. 

- La rage, c’est ce qu’il a besoin.

Parenthèse ici. Je sais très bien qu’il ne l’a pas eu après sa micropuce, parce que le vaccin est bon pour trois ans et que le vétérinaire, lorsque je suis allée faire donner une injection contre les allergies à Charlot, j’ai eu la discussion suivante : « Je pars en France avec lui dans cinq semaines, est-ce que j’ai besoin de vaccins, de papier, quelque chose? » et on m’a répondu : « Non, tout est à jour. Son vaccin contre la rage est bon jusqu’en septembre et on fera son rappel à votre retour ».

Retournons à l’appel avec l’ACIA.

- Je dois vérifier, mais sinon j’ai rendez-vous ce soir, ils pourront lui donner.

- Ouin, mais non. Il faut qu’il l’ait reçu au minimum 21 jours avant le départ et au maximum un an. S’il ne l’a pas eu, on ne pourra pas signer et approuver vos papiers.

C’est la CA-TAS-TROPHE.

- Même si c’est un chien de service?

- Oh ça je ne sais pas, faudrait vérifier s’il peut avoir une exemption.

Je raccroche et me dit que c’est simple, comme je suis allée chez le vétérinaire un mois auparavant et qu’ils m’ont dit que tout était en règle, qu’ils m’ont donné une mauvaise information, alors ils allaient pouvoir corriger leur erreur en lui donnant son vaccin et modifier la date au dossier. Encore plus facile puisque le document à remplir pour la France est fait à la main.

Comme j’avais besoin d’un rendez-vous rapidement avec le vétérinaire et qu’ils ont trois succursales, on m’a donné rendez-vous dans une autre, un peu plus loin, mais où j’étais déjà allée une fois en urgence (le petit, gros fan de beurre d’arachide, avait grugé un Reese et je savais que le chocolat était nocif pour les chiens). J’arrive, j’explique la situation, l’erreur commise, ma solution, le fait que c’est un chien d’assistance – avec tous les documents à l’appui – et tout.

J’ai frappé un solide mur. Le vétérinaire me dit qu’il va aller consulter ses collègues, mais il ne démontre aucune compassion. Ça regarde mal.

J’attends, je prie, j’ai les larmes aux yeux en pensant que le voyage planifié en fonction d’emmener le petit en bateau en France pour ses cinq ans ne tenait qu’à leur bonne volonté et leur compréhension.

Non seulement il n’a pas retrouvé sa compassion en jasant avec ses collègues, mais il m’a envoyé le technicien pour ne pas m'affronter et utiliser trop de phrases pour m’expliquer la situation.

- Ce n’est pas légal de modifier une date, blablabla…

Deux longues minutes plus tard, je perds patience et j'interromps son monologue qui n’a servi à rien et me tanne d’attendre le « mais, on comprend qu’on vous a mal conseillée et que c’est important pour vous… » parce qu’il ne vient pas.

- OK, peux-tu juste arrêter avec la loi, la responsabilité et juste me dire un oui ou un non?

- La loi, blablabla.

- OUI ou NON, me semble que c’est une question simple.

- Non.

- Mais c’est votre erreur!

- Oui, mais c’est la responsabilité du voyageur de se renseigner.

- Ce que j’ai fait avec vous, donc mon erreur, c’est d’avoir cru ce qu’un vétérinaire m’a dit?

- Oui, fallait vérifier.

Et là, je suis tellement fâchée, triste et déçue, que je me mets à pleurer et ce sont des gros sanglots.

Réaction du technicien? Aucune. Pas de compassion, de désolation, pas de « voulez-vous un mouchoir? », rien. Alors je suis encore plus fâchée et je pleure encore plus. Je leur dis de remplir quand même les papiers, parce que je me dis que je vais essayer de le changer moi-même. D’la marde!

Je lui fais donner son vaccin contre la rage et en plus, le vétérinaire, qui est revenu puisque la tâche ingrate a été faite, est tellement mauvais qu’il se reprend par trois fois pour réussir à le vacciner, lui faisant mal chaque fois.

Je n’ai pas dit un mot du reste du rendez-vous. Au moment du paiement, la jeune fille n’est pas plus sympathique et se contente de me dire : « 212,71$ »

Alors c'est plus fort que moi, je lâche un « 200$ pour brailler pendant une demi-heure sans que personne m’offre un Kleenex, c’est ordinaire ».

J’entends la fille marmonner quelque chose et je crois avoir entendu « c’est lourd ».

- Pardon?

- …

- Peux-tu répéter ce que tu viens de dire SVP?

- C’est lourd.

- Attends, es-tu en train de me traiter de lourde, toi?

- C’est lourd la façon que vous nous parlez, madame.

Ah ben /$%?&*(.

Une maudite chance que je faisais pas euthanasier un animal, parce qu’avec leur zéro empathie, j’aurais eu droit à quoi, quelqu’un qui me pitche les cendres dans la face?

J’ai analysé le document. Impossible à falsifier. Je songe à me rendre à l’ambassade de France pour expliquer la situation du chien de service.

J’ai abandonné le projet après avoir téléphoné à l’ambassade et eu le message vocal datant visiblement de 2020 puisqu’on nous interdisait de nous présenter en personne en raison de la COVID et que la boîte vocale était pleine, avant de nous raccrocher la ligne au nez.

Alors voilà. Tout ça pour dire que je suis ici à faire ce magnifique voyage, mais qu’il nous manque notre merveilleux petit amour à quatre pattes.

Mais ne vous inquiétez pas, je n’ai pas acheté tous ses ensembles pour rien et on se reprend avec lui dans un avenir rapproché! Et non, je ne remettrai plus jamais les pieds dans cette clinique!