mercredi 29 janvier 2020

La belle Miss Piggy de Churchill


En octobre dernier, durant la saison des ours polaires, j’ai eu la chance d’aller travailler à Churchill, dans le nord du Manitoba. Une des choses que je voulais absolument voir, c’est la carcasse d’avion surnommée Miss Piggy qui se trouve tout près de l’eau.

Voici la photo et vous allez comprendre :
Et la petite histoire, qui, heureusement, n’a pas fait de mort.

Le 13 novembre 1979, le Curtiss C-46 « Commando » bimoteur cargo de la compagnie Lamb Airways Ltd s’est envolé de Churchill en direction de Chesterfield inlet, au Nunavut. L’avion cargo a rapidement eu un problème mécanique, alors que la température de l’huile du moteur gauche a monté et que la pression de l’huile a diminué. L’équipage a donc tenté de faire demi-tour. Selon les versions, l’avion n’a pu maintenir l’altitude et le capitaine a atterri sur un terrain accidenté à un quart de mille de la piste. D’autres disent que l’avion aurait accroché un poteau électrique avec une aile avant de s’écraser sur la roche.

L’appareil a été grandement endommagé et les trois membres d’équipage s’en sont sortis avec des blessures, certaines mineures, d’autres un peu plus graves, mais aucune fatale.

Le cargo contenait des motoneiges et des caisses de soda pour la compagnie Arctic Co-op. On croit qu’il était trop lourd. En fait, les avions-cargo de l’époque étaient généralement trop lourds, d’où son surnom de Miss Piggy – ça et le fait qu’elle a déjà transporté des cochons.

Au moment de l’accident, elle était peinte en blanc et rouge et on pouvait y lire Lamb Air, mais elle a été peinte d’abord en gris pour un film, puis ornée d’œuvres d’art dans le cadre d’un projet spécial il y a quelques années.


De l'autre côté, on voit encore bien de quoi elle avait l'air.

Au départ, quelques résidents étaient inquiets à l’idée que la fameuse Miss Piggy change de look. Mais une fois le travail complété, ils s’y sont identifiés.

C’est l’artiste engagé Pat Perry, originaire de Detroit, qui a peint une fresque intitulée « Emergency Transmission: Churchill, Manitoba », avec laquelle il a voulu partager des histoires difficiles de génocides culturels et de dégradations environnementales.

Il a donc peint du lichen et des fleurs qui poussent à travers un crâne, ce qui se veut être une vision positive alors que l’avenir des ressources naturelles est plus incertain que jamais et qu’elles sont exploitées par des pipelines.

Puis, 117 traits (kill marks, en anglais) ont été peints sous les fenêtres du poste de pilotage pour représenter la relocalisation du peuple Sayisi Dene, qui a été forcé de quitter sa communauté pour être déplacé à Churchill par le gouvernement fédéral, ce qui a entraîné pauvreté, pénurie de logements et décès.

Elle est belle, cette carlingue abandonnée, surtout parce qu’elle n’a pas été meurtrière. On peut s’en approcher et même aller à l’intérieur. Mais je me suis contentée de l’admirer de tous les côtés. Il faut toutefois être prudents, j’ai failli tomber sur l’aile abîmée et j’aurais pu me blesser ou me couper!

jeudi 16 janvier 2020

Malaises au lac Titicaca


En septembre dernier, j’ai passé deux semaines au Pérou. La première dans le cadre de mon défi de la Société de recherche sur le cancer, alors que j’ai fait la très difficile Inca Trail au Machu Picchu. Lors de la deuxième, j’ai entre autres vu la Rainbow mountain, Lima et le fameux lac Titicaca.

C’est de cette dernière portion que je vais vous parler cette fois. Parce que… je n’ai pas tant trippé, honnêtement.

Ce lac est surtout connu pour son nom, c’est certain. Mais là-bas, il s’écrit Titikaka et se prononce « Titihaha ». Moins drôle, quand même.

Mon plan était donc le suivant : bateau à partir de Puno en bateau pour me rendre à la Isla de Los Uros – des îles flottantes. Puis sur des îles plus loin, où il n’y a pas de réseau, pas d’hôtel, pas de restaurant et pas vraiment de technologie, pour une nuit chez l’habitant.

Commençons par les îles.

Ça prend une éternité pour se rendre sur les îles puisque les bateaux vont à la vitesse de l’escargot. Une fois qu’on y est, on est accueillis par des femmes aux tenues multicolores. Mais déjà, j’ai un doute.

Je vais être honnête, j’ai tout de suite eu l’impression que tout ça était une mise en scène.
On nous attend pour nous montrer comment sont construites les îles. En gros, les îles sont bâties avec un genre de paille, qu’ils remettent sans cesse sur le sol pour remplacer celle qui est imbibée d’eau en dessous.

Jusque-là, ça va. Mais je commence à me douter de quelque chose une fois la présentation des œuvres d’art que les femmes font durant le jour. Puis on nous invite à aller visiter les « maisons » de l’île. Première question qui me vient en tête : Mais où vont-ils aux toilettes? Je ne vois rien sur l’île! Puis dans les maisons, juste des vêtements accrochés, à peine assez d’espace pour les enfants et tout. Pas de cuisine, même pas d’endroit où mettre les poissons pêchés, par exemple. C’est bien beau les faire cuire sur un feu pour le lunch, mais me semble que ça prend plus que ça.

 
 
On essaie donc de nous vendre l’artisanat fait par les femmes de l’île. On nous dit que les enfants vont à l’école sur une autre île et blablabla.

 
J’ai tout de même l’impression de me faire mentir en pleine face, peu importe ce que les guides disent. Et mes doutes s’amplifient lorsque les femmes se mettent à chanter Frère Jacques en français quand on quitte. C’est bizarre, c’est louche, j’ai juste un drôle de feeling.

J’ai ensuite fait des recherches sur le web et de nombreux sites questionnent aussi la légitimité de ces habitants. Ils en viennent à la même conclusion que moi, soit que ce sont des gens qui viennent sur les îles pour les touristes, mais qui retournent à Puno pour la soirée et la nuit…

On peut aussi faire un tour de bateau vraiment très touristique, mais bon, on est aussi là pour ça! Sauf qu’ils se font pousser par un autre bateau…
 
Ensuite, on part pour une interminable promenade en bateau dans des vagues qui donnent mal au cœur. On arrive sur l’île Amantani, plus loin sur le lac.

Quand le bateau accoste, je suis découragée par la grande côte que j’ai à monter. Il faut dire que j’ai commencé à être malade à la dernière journée de mon trekking et donc que j’en étais à ma quatrième journée avec ce qui ressemble à un empoisonnement alimentaire. Je n’ai presque pas de force, mais the show must go on, comme on dit.

Il n’y a pas de voiture sur l’île. Nos familles d’accueil nous attendent sur le quai et évidemment, il fallait que je tombe sur une des maisons les plus loin de la rive! Il faut aussi ajouter à mon mal l’altitude beaucoup plus élevée du lac par rapport à mes autres visites. Pas besoin de vous faire un dessin, j’étais pas mal malade.

On suit un homme qui nous emmène chez lui. C’était quand même un peu malaisant. Il ne parle qu’espagnol et quechua. On nous a montré quelques mots, mais impossible de s’en souvenir.
L’espagnol, je le comprends, le parle un peu, mais c’est tout. Heureusement, je suis avec un couple de la Grande-Bretagne qui est au cœur d’un voyage de sept mois à travers l’Amérique du Sud, et donc, qui se débrouille très bien dans cette langue. Ce sont eux qui meublent la conversation durant le dîner. 

La maison est rustique, sur deux étages, mais le milieu est sans toit. Des grosses chaudières se retrouvent là pour récupérer l’eau de pluie. C’est en allant aux toilettes – aux bécosses – que j’ai compris à quoi elles servaient. La toilette ne flushait qu’avec de l’eau qu’on prenait de cette grosse chaudière.
On avait l’option de marcher pour aller voir le coucher du soleil et ça impliquait une montée d’environ 500 m. Mais comme je revenais de mon trekking (50 km en 3 jours et demi avec des montées à n’en plus finir) et que j’avais aussi fait la Rainbow Mountain deux jours plus tôt, j’ai préféré aller dormir, d’autant plus que j’étais de plus en plus faible et mal en point.

Évidemment, il n’y a pas de chauffage. J’ai donc dormi avec tous les vêtements que j’avais. Pas de prise de courant non plus, donc pas moyen de charger le téléphone, la caméra et le laptop.

Je me suis réveillée pour le souper, préparé par la fille du monsieur. Elle ne nous a pas adressé la parole. Sa mère était absente, mais l’homme nous a montré l’artisanat qu’elle faisait, pour nous le vendre, évidemment. Il avait aussi des bouteilles d'eau à vendre.

L’ancienne moi, un peu plus princesse, n’aurait jamais survécu à cette nuit chez l’habitant. Pour vous donner une idée, voici de quoi avait l’air la cuisine :
Et les repas qui nous ont été servis :
 
Après, la fille est allée chercher des habits traditionnels pour nous déguiser en vue de la fête au centre communautaire. C’est là que se réunissent tous les touristes de l’île, pour une soirée dansante. Dans mon état, toutefois, danser en tournant était une très mauvaise idée, alors je n’ai participé au genre de train que quelques instants, avant de m’asseoir sur le petit banc pour observer la scène.
Le gars qui était dans la même maison que moi commençait aussi à être malade, alors on n’a pas veillé tard. On devait aussi se lever très tôt le lendemain matin, alors c’était parfait comme ça.

J’ai donc pu retrouver mon lit :
J’étais tout de même contente de n’avoir qu’une seule nuit chez l’habitant au programme. C’est suffisant!

Et pour la petite histoire, j'ai été malade si longtemps que j'ai dû faire plein de tests à l'hôpital à mon retour et qu'on n'a jamais pu trouver de quoi j'avais souffert. Mais cela a déclenché une anémie. Un souvenir de voyage dont je me serais passée!