Les Estoniens sont un peuple particulier. À première vue, ils peuvent sembler… bitch. En fait, c’est difficile de les décrire. Alors je vais utiliser la phrase de la guide que j’ai eue à Tallin, en Estonie : «Ce n’est pas qu’on est bête, c’est qu’on se fout des autres. Le small talk, ça ne nous intéresse pas.»
C’est pour ça que les caissiers ne vous diront pas bonjour dans une petite épicerie, que les vendeuses dans les magasins ne vous offriront pas leur aide et surtout, que les inconnus ne commenceront pas à vous faire la conversation. Mais ce n’est rien de méchant, ils sont juste comme ça.
Il faut comprendre que c’est un peuple qui a longtemps été oppressé et qui a retrouvé sa liberté en 1991 seulement lors de la dissolution de l’U.R.S.S. Avant ça, on pouvait être persécuté pour le simple fait de posséder un drapeau de l’Estonie ou encore si on chantait une chanson patriotique… Ils ont donc appris à tout garder pour eux. La peur a façonné leur personnalité et même s’ils sont «libres», ils ont gardé des séquelles.
Quand on parle de «small talk», il y a ce que j’ai mentionné plus haut, mais il y a aussi entre les gens qui se connaissent. Croiser un ancien camarade de classe dans la rue crée un si gros malaise que si le premier qui aperçoit l’autre peut changer de trottoir pour l’éviter, il le fera. Même chose sur les réseaux sociaux. Tu ajoutes quelqu’un à qui tu n’as pas parlé depuis des années? C’est weird. Tu lui dis «allo» et veux entamer la conversation? Encore plus weird. Ça se peut que tu n’aies pas de réponse. Bref, ils sont les précurseurs du «ghosting».
Alors, comment font-ils pour flirter? «On finit seuls!» a semi-blagué ma guide lorsqu’elle nous a expliqué le pourquoi de leur façon d’être. Oui, ils ont les applications comme Tinder, mais une fois qu’ils ont un match, c’est fini, ils ne font plus rien! Bien sûr, je généralise, mais j’ai tout de même senti ce désintérêt envers les autres dans la population en général, une fois éloignée des endroits très touristiques. Toujours selon ma guide, c’est parce que ce peuple a des «trust issues». Ils ont été vaincus et perdus par un tas de pays au fil des ans et quand ils ont réussi à obtenir leur indépendance une première fois, eh bien ç’a duré… une journée. C’est aussi un peuple très peu croyant, alors qu’il y a 87% d’athées.
Moment cocasse qui prouve bien leur «je-m’en-foutisme», c’est lorsqu’on s’est retrouvés à quelques pas du parlement. Il y avait deux gardiens de sécurité et à vrai dire, ils ne surveillaient pas vraiment. La raison évoquée par la guide? «Well, who cares?»
Elle nous a aussi expliqué qu’il ne se passait tellement rien dans ce pays qu’ils ont parlé pendant un mois dans les médias d’un arbre qui devait être abattu et qu’une personne voulait sauver. Un. Mois.
Mais ce qui m’a frappée le plus, au-delà de leur sympathique indifférence, c’est qu’ils ont réussi à conserver leur langue alors qu’ils ne sont qu’un million à la parler… au monde. Et entre vous et moi, ce n’est pas la langue la plus utile puisqu’elle ne sert que dans une minuscule partie du globe. Mais ils la parlent encore même après avoir été un peuple d’esclaves pendant 600 ans pour différents royaumes et je trouve ça beau.
Alors pour toutes ces raisons – et pour la ville de Tallinn comme telle, dont je vous parlerai plus tard – l’Estonie et ses Estoniens ont
été mon coup de cœur du voyage!